Jean-Claude Juncker au colloque sur le rapport Werner: "Pour Werner, l'union politique était un résultat rendu possible par l'Union monétaire"

Le 8 septembre 2010, à l’occasion du 40ème anniversaire du rapport Werner, le Premier ministre et président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker est intervenu dans les locaux de la Banque européenne d'investissement sur l'Union économique et monétaire. La conférence-débat a été organisée par l’Institut Pierre Werner (IPW) et l’association the Bridge Forum.

Dans son intervention, Jean-Claude Juncker a, tout d’abord, jeté un regard en arrière sur le rôle décisif que le rapport Werner a joué dans la genèse de l’euro, pour évoquer ensuite les avantages et les failles de la monnaie unique européenne.

Le rapport Werner et la genèse de l’euro

En évoquant successivement la genèse de l’euro, puis la situation de la zone euro telle qu’elle se présente aujourd’hui, altérant entre passé et présent, Jean-Claude Juncker a souligné le travail de précurseur qui a été effectué par Pierre Werner. La mise en parallèle de ces deux époques lui a permis d’illustrer que le plan Werner, qui comportait déjà les éléments essentiels de ce que deviendra 30 ans plus tard l’Union économique et monétaire, ébauchait déjà beaucoup de questions qui restent aujourd’hui d’actualité.

"Pierre Werner a fait l’histoire", a-t-il dit, en soulignant "qu’il a su façonner et sculpter les paysages politiques en leur donnant sens, en les traversant à une allure rapide lorsqu’il s’agissait de l’essentiel". En abordant les dynamiques fondamentales lancées par le plan Werner, Jean-Claude Juncker a rappelé que la vision de Pierre Werner ne se limitait pas au volet économique, mais s’insérait dans une perspective plus globale. "Pour Werner, l’union politique était un résultat rendu possible par l’union monétaire", a tenu à préciser Jean-Claude Juncker qui a ajouté que l’Union économique n’était pour Werner qu’une étape qui devrait aboutir à une union politique.

40 ans après l’introduction de la monnaie unique européenne, le président de l’Eurogroupe a dressé un bilan de l’euro et a mis en exergue ses avantages.

Pour Jean-Claude Juncker, la monnaie commune constitue, à la fois, la meilleure réponse à l'intégration européenne et à la globalisation qui s’accélère.

Les avantages de l’euro

Dans son analyse, l’euro apparaît comme la réponse coordonnée des Etats membres à la volatilité des monnaies nationales qui constituent un frein aux investissements dans les autres Etats membres et au commerce international. En supprimant à la fois les coûts liés aux transactions de change et en mettant fin aux réajustements monétaires, l’euro a facilité l’échange des biens et des services au sein du marché unique et a mis fin au chaos qui régnait lorsqu’un pays a décidé unilatéralement de réévaluer ou de dévaluer sa monnaie nationale.

Dans un monde globalisé et marqué par l’interdépendance croissante des économies, l’euro est aussi une exigence politique. "L’Europe se fera par l’euro", a dit Jean-Claude Juncker en faisant allusion à la vision de Pierre Werner qui pensait déjà à l’époque "que la monnaie est le moteur de l’intégration européenne". Or, "qui ne maîtrise sa monnaie ne peut prétendre pourvoir au chapitre planétaire", a mis en garde Jean-Claude Juncker qui estime que nous ne pouvons vivre dans une zone intégrée où subsistent des politiques déloyales de concurrence.

Parmi les avantages de l’euro, Jean-Claude Juncker a également cité les vertus protectrices de l’euro qui nous ont mis à l’abri de bouleversements plus profonds lors de la récente crise financière mondiale. "Sans Union économique et financière, l’Europe n’aurait pas pu développer des mécanismes de défense qu’elle a déployés aujourd’hui pour juguler la crise", a-t-il rappelé.

Les failles de l’euro

Quant aux failles de l’Union économique et monétaire, Jean Claude Juncker a cité la querelle non résolue entre ceux qui donnent la priorité à l’union monétaire et ceux qui privilégient l’union économique et qui a constitué un frein à l'intégration et l'approfondisement de l'Union européenne.

Il a regretté qu’il n’y ait toujours pas de consensus entre les gouvernements des Etats membres sur le besoin de renforcer la coordination des politiques économiques. En rappelant que Pierre Werner prônait déjà une harmonisation fiscale, Jean-Claude Juncker a constaté que les débats, 40 ans après l’introduction de la monnaie unique européenne, sont restés les mêmes.

La compétitivité est, selon le chef de file de l’Eurogroupe, le principal problème auquel l’Union européenne est confrontée. Pour étayer sa thèse, il s’est appuyé sur l’écart de compétitivité avec les Etats-Unis qui ne cesse de se creuser dans un contexte marqué par l’émergence d’autres puissances de l’Asie du Sud-est. "Le potentiel de croissance de l’Europe est insuffisant pour supporter les charges du vieillissement démographique", a-t-il mis en garde en appelant de ses vœux des réformes structurelles.

La zone euro doit également faire face à des problèmes de déséquilibres globaux. Il a également relevé les écarts de compétitivité qui subsistent au sein de la zone euro et qui touchent aux fondements des stratégies macroéconomiques des Etats membres.

Jean-Claude Juncker a regretté le flou sémantique qui entoure la notion "de gouvernance économique" au sein de l’Eurogroupe. Jean-Claude Juncker a finalement insisté sur la nécessité d’une bonne coordination des politiques budgétaires, le meilleur rempart contre les politiques déloyales. Il a, par ailleurs, prôné le renforcement du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance et a souligné le besoin de se mettre d’accord sur le rythme de sortie de la crise qui "doit être sage et réfléchi" tout en évitant de compromettre l’amorce de la reprise.

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