Jacques Santer à l'occasion du 40ème anniversaire de la Fondation du mérite européen: "l'UE est autre chose qu'une forme de collaboration entre Etats membres"

Le 25 novembre 2010, le conseil d’administration et le directoire de la Fondation du mérite européen ont décerné lors d’une séance académique exceptionnelle le grand Collier du mérite européen à S.A.R. le Grand-Duc et le Collier du mérite européen à Jerzy Buzek, président du Parlement européen, Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, Manuel Barroso, président de la Commission européenne et Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg et président de l’Eurogroupe.

Historique et objectifs de la Fondation du mérite européen

La Fondation du mérite européen, dont le siège est à Luxembourg est présidée par Jacques Santer, ancien Premier ministre luxembourgeois et ancien président de la Commission européenne. Elle est placée sous la présidence d’honneur du Premier ministre et ministre d’Etat Jean-Claude Juncker.

L’objectif de la fondation est d’"entreprendre toute activité susceptible de contribuer à faciliter la prise de conscience européenne nécessaire à la réalisation progressive d’une Union européenne existentielle à vocation humaniste et à offrir le mérite européen". A l’occasion de son 40e anniversaire, la fondation vient de créer deux nouveaux titres majeurs destinés à reconnaître des mérites européens au plus haut niveau : le Grand Collier et le Collier.

Message de Jacques Santer : "il faut nous rendre compte que la construction européenne est autre chose qu’une forme de collaboration entre Etats membres"

Lors de son allocution de bienvenue, Jacques Santer, président du Conseil d’administration de la Fondation du mérite européen, a tout d’abord retracé les différentes étapes de la construction européenne – de la déclaration de Robert Schuman en 1950, à la communauté européenne jusqu’à l’avènement de l’Union européenne – pour mettre en évidence les multiples raisons qui devraient amener les citoyens à être fiers de l’Union européenne. Parmi les principales avancées de l’UE, Jacques Santer a cité la promotion d’un développement économique harmonieux, le renforcement de la dignité humaine, l’avènement d’un espace de paix et de prospérité et l’expansion de la démocratie aux pays de l’Europe centrale et orientale.

Or, aujourd’hui force est de constater, selon l’ancien Premier ministre du Luxembourg que l’Union européenne a été dotée d’une vision trop technocratique, qui saperait l’importance des valeurs qui sont à la base du projet d’unification européenne. "L’Europe qui était jadis un projet visionnaire apparaît comme une mécanique", a-t-il regretté en ajoutant que la paix est aujourd’hui "considérée comme allant de soi". Dans le contexte actuel marqué par la mondialisation, la hausse du chômage et le vieillissement de la population, l’Union européenne apparaît selon Jacques Santer de plus en plus comme le bouc émissaire de nombreuses difficultés qui sont ressenties par les populations.

Une citation empruntée à Léo Tindemans a permis à Jacques Santer d’expliquer les raisons qui ont poussé les citoyens à se distancier du projet d’unification européenne. "Le citoyen européen ne ressent pas en 1975 les motifs de la construction exactement de la même manière qu’en 1950", a cité Jacques Santer l’ancien Premier ministre belge qui avait déjà pressenti à l’époque que le temps est un facteur qui joue en défaveur de la construction européenne : "L’Europe semble avoir perdu de son parfum d’aventure" a cité Jacques Santer, avant de poursuivre que "nos populations se préoccupent de valeurs et de problèmes nouveaux dont les traités ne parlent guère".

Pour relever les nombreux défis auxquels l’Union européenne sera confrontée à l’avenir, il faut selon Jacques Santer "nous rendre compte que la construction européenne est autre chose qu’une forme de collaboration entre Etats membres".

Jacques Santer a rendu dans ce contexte un hommage au génie propre de Jean Monnet qui a conçu et élaboré "un système institutionnel original tout à fait innovateur et qui cherche son pareil dans l’histoire" appelé dans le jargon communautaire une "construction sui generis".

Jacques Santer, qui a souligné le besoin pour l’Europe "d’être forte et unie", a mis en garde contre l’inaction de l’Union européenne qui "peut avoir des conséquences désastreuses". Jacques Santer s’est finalement montré convaincu que l’Union européenne "gagnera en importance" si elle assumera son rôle et ses responsabilités et arrive à tirer les conséquences politiques de son poids économique et à valoriser toutes ses potentialités.

Messages d’étudiants sur l’Europe au nom de la jeunesse luxembourgeoise

Après la remise des distinctions, trois élèves du Campus Geesseknäppchen ont formulé des messages dans lesquels ils ont exprimé leurs attentes vis-à-vis de l’Union européenne.

Le premier message a été formulé par Lynn Warisse, élève de l’Athénée de Luxembourg, qui a représenté le Grand-duché lors du 33e MEP (Model European Parliament) à Istanbul. Lors de son discours, elle a exprimé le souhait que l’on renforce le rôle démocratique des jeunes générations. "Les jeunes que j’ai rencontrés à Istanbul expriment tous le même souhait, à savoir qu’ils entendent jouer un rôle actif comme futurs citoyens responsables dans leurs pays", a-t-elle témoigné en soulignant le besoin de mettre en place des programmes scolaires qui accordent une importance accrue à la politique nationale et internationale et notamment l’Union européenne, son fonctionnement institutionnel et ses objectifs.

Marie Back, élève au Lycée Aline Mayrisch, a abordé le sujet de la libre concurrence sur le marché mondial. Elle a pointé du doigt l’importation en Afrique de produits alimentaires subventionnés par les pays de l’Union européenne qui défavorisent les producteurs africains en faisant chuter les prix sur les marchés locaux. Pour remédier à cette situation, Marie Back a proposé d’encourager les pays défavorisés à développer un système agricole autosuffisant qui serait moins exposé au marché mondial.

Le dernier intervenant, Daniel Lang, élève au Lycée Michel Rodange, a préconisé de mener un échange entre les jeunes issus de l’Union européenne sur les questions fondatrices de la citoyenneté européenne. "Pour préparer un avenir sur des bases solides, il est indispensable de tenir compte du passé", a proposé Daniel Lang.

Interventions des quatre personnalités ayant reçu le collier du Mérite européen

Les quatre personnalités ayant reçu le collier du mérite européen sont ensuite intervenus sur "l’Union européenne, primordiale dans un monde en mutation".

Jerzy Buzek : "l’Union européenne ne doit pas avoir peur d’exporter ses valeurs"

Jerzy Buzek a fait remarquer que "si le Luxembourg n’est pas le plus grand des pays, c’est l’une des voix les plus puissantes depuis sa création". Il a estimé que l’Union européenne "ne doit pas avoir peur d’exporter ses valeurs car elles sont bénéfiques pour tout le monde". "Le soft power est parfois plus fort que le hard power", a-t-il estimé en faisant allusion à la capacité de l’Union européenne d’exporter ses valeurs, dont notamment la culture du compromis.

Herman Van Rompuy : "L’Europe ne peut se faire sans le soutien des peuples"

Lors de son discours, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, a regretté que l’on ne parle pas assez des valeurs fondamentales de l’Union européenne et trop des intérêts nationaux. Il a estimé que la paix et la prospérité sont les principaux arguments qui peuvent être invoqués en faveur de l’Union européenne.

"Les problèmes d’un pays sont le problème de tous les autres", a jugé Herman Van Rompuy, qui s’est exprimé en faveur d’une solidarité renforcée entre les Etats membres.

Herman Van Rompuy a estimé que les pays de l’Union européenne auraient du répondre plus tôt à la crise économique, et plus particulièrement aux difficultés financières de certains Etats membres. Finalement, il a relevé la nécessité pour l’UE d’une orientation commune en matière de politique étrangère et l’importance du soutien des citoyens de l’Union européenne.

José Manuel Barroso : "Nous avons besoin des voix de tous ceux qui font foi en l’Europe pour lutter contre le défaitisme ambiant"

Dans son discours, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé les responsables politiques et les citoyens de l’Union européenne de continuer à croire en l’Europe. "Nous avons besoin des voix de tous ceux qui font foi en l’Europe pour lutter contre le défaitisme ambiant", a-t-il expliqué avant d’attirer l’attention sur les nombreuses réussites de l’Union européenne.

Selon José Manuel Barroso, il est important de ne pas oublier les accomplissements de l’Union européenne comme par exemple la coordination des politiques économiques, les grandes avancées dans la gouvernance économique, le mécanisme de stabilisation et le lancement de la nouvelle stratégie de croissance Europe 2020. Le président de la Commission européenne s’est montré confiant en ce qui concerne l’avenir de l’Union européenne, parce que maintenant "les jalons macroéconomiques sont posés pour repartir sur des bases saines vers notre objectif".

Jean-Claude Juncker : "Un très grand Collier du mérite devrait être attribué à l’Union européenne"

"Un très grand Collier du mérite devrait être attribué à l’Union européenne", a estimé Jean-Claude Juncker en arguant "qu’elle a permis de laisser derrière nous les longues ombres du passé". Dans son analyse "l’Europe est d’abord la construction de la génération de la guerre, de ces hommes et de ces femmes qui sont revenus des champs de bataille et des camps de concentration et qui sont rentrés dans leurs villages détruits et ont érigé la prière du "plus jamais la guerre" en programme politique, encadré par les institutions européennes, qui ne cessent d’exercer leur attrait aujourd’hui". "Cette Europe, il faut la respecter, la soigner, l’aimer", a–t-il prôné.

Lors de son discours, Jean-Claude Juncker a tout d’abord attiré l’attention sur la spécificité de la construction européenne "qui n’est pas une affaire cérébrale, ne repose pas sur un raisonnement continental continu". "Il faut respecter l’Union européenne en essayant de parler de l’Europe d’une façon convenable", a exigé le chef de file de l’Eurogroupe en rappelant que l’Europe est "avant tout un projet d’ensemble et non un terrain de lutte".

Jean-Claude Juncker a également souligné la nécessité de respecter les règles qui sont à la base du projet européen et surtout la méthode communautaire "qu’il ne faut abandonner et dont il ne faut se moquer". Conscient que l’on ne peut pas tout communautariser, le président de l’Eurogroupe a néanmoins appelé "les dirigeants à être intergouvernementaux d’une façon communautaire même lorsqu’on se trouve dans un cadre intergouvernemental."

Jean-Claude Juncker a également mis en exergue les acquis de l’Union européenne dont notamment l’introduction de la monnaie unique européenne, le marché intérieur, l’universalité des valeurs européennes qui sont exportables. "Restons fidèle à cet héritage", a préconisé Jean-Claude Juncker qui a souligné le besoin de faire preuve de plus de patience et de détermination.

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