Résumé de la déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays 2011

Le 6 avril 2011, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a présenté à la Chambre des députés la déclaration du gouvernement sur la politique économique, sociale et financière 2011 (discours sur l'état de la nation).

Problèmes sociaux

Le Premier ministre a commencé le discours par l’énumération d’une série de problèmes sociaux qui passent souvent inaperçus derrière la façade apparamment intacte du Luxembourg, mais qui méritent certainement de faire partie des priorités politiques pour les années à venir. Jean-Claude Juncker a ainsi promis un renforcement des équipes multiprofessionnelles dans l'enseignement fondamental afin de faire face au décrochage scolaire, une école spéciale pour l’encadrement des élèves qui présentent des déviciences particulières et éviter ainsi que ceux-ci soient obligés d'intégrer une telle structure à l'étranger, une assistance éducative à fournir aux parents qui ne sont pas à même de s’occuper de leurs enfants, la mise en place de structures afin d'accueillir à court terme et pour une durée réduite les jeunes en fugue ou encore une stratégie nationale en faveur des sans-abris. La résolution de ces questions demande des moyens considérables (environ 350 collaborateurs supplémentaires) et il y a dès lors lieu de faire des économies à d’autres endroits, a souligné Jean-Claude Juncker. Ignorer ces problèmes mettrait en question l’équation sociale au Luxembourg, a-t-il averti.

Demandeurs d’asile

Concernant l’augmentation considérable du nombre de demandeurs d’asile, le Premier ministre s’est prononcé en faveur de procédures d’asile encore plus rapides, notamment pour les ressortissants de pays considérés comme sûrs. L’augmentation du nombre de demandeurs d’asile implique le renforcement des différents services d’accueil et de logement alors que leur hébergement demande des infrastructures réparties équitablement à travers le pays. À moyen terme, la construction d’infrastructures provisoires et modulables s’avère inévitable, a noté Jean-Claude Juncker.

Dans ce contexte, la ministre de la Famille et de l’Intégration et le ministre de l’Immigration se rendront prochainement en Serbie afin d’étudier sur place les questions relatives à l’afflux de demandeurs d’asile de ce pays, et en particulier celles relatives à la communauté des Roms. Jean-Claude Juncker a précisé que la Serbie figure sur la liste des "pays sûrs" et que les demandes de ressortissants serbes ne peuvent dès lors pas être approuvées.

Politique énergétique et climatique

Il n’y a pas d’alternative à la sortie de l’énergie atomique, a dit le Premier ministre. Considérée comme une technologie transitoire, une telle sortie ne pourra pas se faire du jour au lendemain, mais la phase transitoire ne doit pas non plus être trop longue, a-t-il jugé. Rappelant l’engagement de l’UE à réaliser des stress-tests de toutes les centrales nucléaires en Europe, Jean-Claude Juncker a souligné l’opposition du Luxembourg à toute prolongation de la durée de vie de la centrale de Cattenom.

Le corolaire obligé à l’opposition à l’énergie atomique constitue l’investissement dans les énergies renouvelables et l’efficience énergétique, a signalé le Premier ministre qui a plaidé pour une approche plus rigoureuse dans ce domaine, en particulier lors de la construction de parc éoliens.

Citant les nombreuses réalisations en matière d’énergie verte, Jean-Claude Juncker a annoncé que le gouvernement réalisera prochainement une campagne d’information à ce sujet pour le grand public. Pour le reste, le gouvernement compte appliquer des critères écologiques aux parcs informatiques et centres de données (Data Center) de l’État, promouvoir la mobilité électrique via un projet pilote dans la Nordstad, continuer l’assainissement énergétique des bâtiments publics et planifier les nouvelles constructions de l’État suivant un concept énergétique.

Logement

Les aides au logement seront davantage soumises à des critères écologiques, a annoncé le Premier ministre. Ainsi la bonification d’intérêts pour familles avec enfant(s) sera convertie en bonification écologique, la subvention d’intérêts pour familles à revenus modestes sera modifiée de sorte que ces familles puissent bénéficier d’un prêt à taux zéro pour les rénovations énergétiques, l’allocation du bénéfice fiscal en matière d’enregistrement d’actes d’acquisition ("bëllegen Akt") bénéficiera d’une connotation plus écologique, la TVA sera diminuée de 15 à 3 % pour l’assainissement énergétique des logements de moins de 20 ans et les propriétaires de logements pourront bénéficier d’un amortissement fiscal accéléré lors de l’assainissement de leurs logements. L’ensemble de ce paquet "logement" sera présenté le 8 avril 2011 par le ministre du Logement, Marco Schank.

À côté de plusieurs mesures qui doivent promouvoir la construction de nouveaux logements, le Premier ministre a annoncé deux instruments qui doivent faciliter l’accès au logement des jeunes: la "location-vente" et le "partage foncier". Le premier instrument prévoit le dépôt d'une partie du loyer mensuel sur un compte épargne afin de constituer un capital de départ en vue de l'acquisition future d'un logement. Le "portage foncier" permettra d’acheter et de rembourser une maison dans une première phase, alors que le terrain sera payé dans une deuxième phase.

Finances publiques

La situation des finances publiques est meilleure que prévue, sans pour autant être saine, a souligné Jean-Claude Juncker. Ainsi les recettes supplémentaires de € 900 millions générées en 2010 ne doivent pas perdre de vue que le déficit de l’administration centrale s’est élevé à € 1.300 millions pendant le même exercice.

Même dans le scénario le plus optimiste – croissance économique annuelle de 3,5% entre 2012 et 2014, croissance de l’emploi de 2% par an, inflation inférieure à 2% en moyenne et prix du pétrol inférieur à USD 102,6 – le déficit de l’administration publique s’élèvera en 2014 à € 200 millions (0,4% du PIB) et celui de l’administration centrale à € 700 millions, tandis que la dette publique grimpera à 19,9% du PIB. Dès lors, il est exclu, selon le Premier ministre, d’apporter des modifications majeures au programme de consolidation et d’asainissement budgétaire du gouvernement. En automne 2011, le gouvernement évaluera si des changements mineurs pourront se faire.

Compétitivité

Pour Jean-Claude Juncker, le problème des finances publiques "ne peut être résolu si on néglige la compétitivité de l’économie luxembourgeoise". Même si la notion de la compétitivité n’englobe pas uniquement des considérations d’ordre économique, le Premier ministre a souligné le besoin pour le Luxembourg "d’améliorer sa compétitivité". Il a rappelé, dans ce contexte, les décisions qui ont été prises le 30 octobre 2010 lors de la réunion bipartite avec les représentants du patronat et qui avaient pour objectif d’éviter que la compétitivité luxembourgeoise ne se dégrade durant l’année 2011 et que les entreprises ne doivent porter des coûts supplémentaires découlant de décisions prises au niveau politique.

Le Premier ministre a critiqué les propos de certains représentants du patronat qui tendent à brosser un tableau sombre de la compétitivité luxembourgeoise. Tout en reconnaissant qu’il y a eu "un recul de la compétitivité de l’économie luxembourgeoise durant les dernières années", le Premier ministre a souligné qu’il se défendrait contre ceux qui présentent la compétitivité du Luxembourg comme étant moins performante que celle de ses pays voisins. Pour illustrer ses propos, il a rappelé que le coût salarial par heure au Luxembourg est plus bas, la durée de travail annuelle plus élevée et les charges salariales substantiellement plus basses qu'en France, Belgique ou Allemagne.

Tout en estimant que les préoccupations qui portent sur le recul de la compétitivité de l’économie luxembourgeoise sont justifiées, Jean-Claude Juncker a passé en revue différentes mesures qui sont prises par le gouvernement pour améliorer la compétitivité: fonder une architecture fiscale prévisible et cantonner le niveau de l’inflation et notamment des prix administrés. Jean-Claude Juncker a également cité les efforts consentis dans le domaine de la simplification administrative dont la réforme de la nomenclature de la procédure commodo/incommodo et l’allégement de la procédure d’enquête publique.

Indexation des salaires

Jean-Claude Juncker a rappelé que le gouvernement avait décidé lors de réunion avec les représentants syndicaux le 29 septembre 2010 de ne pas procéder avant le 1er octobre 2011 au versement de la prochaine tranche indiciaire. Il a loué, dans ce contexte, l’attitude responsable des syndicats qui avaient accepté à l’époque de tenir compte du risque qui existait de voir les prix des produits pétroliers s’envoler. Il a également rappelé que les deux parties avaient convenu de se réunir de nouveau pour discuter s’il faut oui ou non procéder à un report lorsque plusieurs tranches indiciaires devraient s’appliquer entre 2011 et 2012.

"Le gouvernement n’a pas l’intention d’abolir l’indexation automatique des salaires, mais le gouvernement veut moduler l’indexation en appliquant des modalités qui restent à définir au cas où l’absence de modulation aurait des répercussions négatives pour l’économie luxembourgeoise", a expliqué Jean-Claude Juncker. Et d’ajouter qu’il est "convaincu qu’il sera possible de se mettre d’accord sur ces questions avec les partenaires sociaux dans le cadre de la tripartite réanimée".

Accueil des enfants

D’après Jean-Claude Juncker, il ne faut pas réduire l'avenir du pays à des questions purement économiques. La conciliation de la vie familiale et professionnelle, l’éducation et l’accueil des enfants sont d’autres questions qui doivent, d’après Jean-Claude Juncker, être abordées pour "organiser l’avenir du pays". Il a rappelé que l’offre d’accueil pour des enfants entre 0 et 12 ans a été augmentée de 30% entre 2009 et 2010. Tout en soulignant la nécessité d’étendre cette offre, il a annoncé la création de 8.000 places d’accueil supplémentaires pour les enfants entre 0 et 12 ans.

Enseignement

Abordant ensuite les nombreux défis auxquels l’école luxembourgeoise sera confrontée à l’avenir, le Premier ministre a mis en évidence le besoin d’adapter le système éducatif à la nouvelle situation caractérisée par une forte présence d’enfants étrangers qui ne maitrisent pas la langue luxembourgeoise.

Dans son analyse, les efforts doivent non seulement porter sur l’école fondamentale, mais également sur les classes du secondaire. Il a souligné le besoin de consentir des efforts pour donner au plus grand nombre d’élèves la possibilité de décrocher un diplôme sans toutefois réduire la qualité de l’enseignement. Jean-Claude Juncker a exhorté l’ensemble des partenaires à faire tout pour assurer la réussite des réformes projetées.

Réforme du système des pensions

D’après le Premier ministre, l’évolution démographique couplée à l'augmentation de l’espérance de vie font qu'un allongement de la durée de maintien au travail devient incontournable pour maintenir un niveau élevé de pension. Jean-Claude Juncker a rappelé les principes qui sous-tendent la réforme envisagée des pensions: le salarié est libre de quitter plus tôt la vie professionnelle, quitte à recevoir moins de pension, ou bien de travailler plus longtemps et de recevoir une pension équivalente à celle qu’il aurait reçue dans l’ancien système.

Le Premier ministre a estimé que chacun devra travailler aussi longtemps que possible et aussi longtemps qu'il le souhaite et que le système des préretraites sera réservé aux catégories de salariés qui sont soumis à des conditions de travail particulièrement pénibles.

Pour éviter que des travailleurs âgés entre 55 et 65 ne soient éjectés du monde du travail, il a rappelé que le gouvernement a porté la participation étatique aux mesures de formation continue de 14,5 à 25%. "L’objectif est de faire en sorte que les entreprises conservent plus longtemps leurs salariés âgés de 55 à 65 ans", a déclaré le Premier ministre, avant de poursuivre que "le gouvernement est prêt à débourser de l’argent à condition que cela débouche sur des résultats". "Nous arrêterons en revanche de débourser de l’argent si le sentiment se dégage que l'effort de l'État sert juste à réduire les coûts salariaux des entreprises", a-t-il tenu à préciser.

Réforme de l’ADEM

Abordant la réforme de l’ADEM qui "permettra aux jeunes de décrocher plus rapidement un emploi", Jean-Claude Juncker a annoncé la création d’une maison de l’orientation qui rassemblera l’ensemble des services d’orientation. Le Premier ministre a en outre promis d’améliorer le suivi des personnes en situation de reclassement.

Réforme de la Fonction publique

Le Premier ministre a souligné le besoin de réformer la Fonction publique en précisant que "le gouvernement met en œuvre les réformes qui s'imposent non pas contre ses fonctionnaires, mais dans l'intérêt de la collectivité". Il a annoncé que chaque service de l’État devra fixer tous les 3 ans des objectifs à atteindre. Il a également proposé qu’une évaluation soit effectuée à intervalles réguliers pour analyser le travail des fonctionnaires, la pertinence des méthodes de travail et des objectifs fixés. À côté de l’allongement de la durée du stage qui sera portée à trois années, le Premier ministre a proposé d’abaisser le salaire durant la période de stage à 80% du traitement du fonctionnaire, sans toutefois pouvoir être inférieur au salaire minimum qualifié.

Jean-Claude Juncker a prôné une procédure de recrutement qui se déroule en deux phases: une épreuve générale et une autre plus spécifique effectuée par l’administration qui recrute. "L’avancement ne se fera plus uniquement en se basant sur le diplôme et l’ancienneté", a annoncé le Premier ministre qui a évoqué l’introduction d’éléments d’appréciation. "Il ne s’agit en aucun cas d’exercer un contrôle renforcé sur le salarié", a expliqué Jean-Claude Juncker en ajoutant "que l’évaluation devrait être une motivation et non pas une sanction". À côté de l’introduction d’une carrière de bachelier, le Premier ministre s’est exprimé en faveur de l’introduction d’une "procédure d’insuffisance professionnelle" qui permettra de résilier le contrat d’un fonctionnaire qui est dépassé par les missions qui lui sont conférées.

Zone euro

Abordant enfin les questions liées à la participation du Luxembourg à la zone euro, le Premier ministre a souligné que le Luxembourg est un des rares pays à satisfaire aux critères de stabilité et n’encourt pas de procédure pour déficit excessif.

Rappelant qu’il s’agit en réalité d’une crise de la dette souveraine et non pas d’une crise de l’euro, Jean-Claude Juncker a estimé "que la stabilité interne et externe de l’euro est la preuve que la monnaie unique européenne n’est pas en crise". Jean-Claude Juncker a réitéré la position du gouvernement luxembourgeois: "lorsqu'un État de la zone euro est confronté à des difficultés, toute la zone euro risque d’être affectée. Pour cette raison, il faut que la solidarité interétatique et communautaire des États membres doit jouer". Le chef du gouvernement a rappelé que le Luxembourg s’est engagé à débloquer un prêt bilatéral à hauteur de € 206 millions pour la Grèce. De ce prêt, le gouvernement luxembourgeois a mis à disposition 110 millions, soit 53%, et a encaissé des intérêts de € 2,2 millions à la date du 29 mars 2011.

Le Premier ministre a expliqué que la Chambre des députés a autorisé par une loi du 9 juillet 2010 le gouvernement d’accorder une garantie de € 1,10 milliards au Fonds européen de stabilité financière (EFSF). Pour l’emprunt du 25 janvier 2011 pour l’Irlande, le Luxembourg a accordé à l’EFSF une garantie de € 18,1 millions, ce qui a augmenté la dette publique de 0,1% du PIB.

Finalement, Jean-Claude Juncker a annoncé que le Chambre des députés se penchera sur deux projets de loi. Le premier portera sur une modification de l’article 136 du traité de Lisbonne qui permettra au Luxembourg de participer à l’ESM. Le deuxième permettra la participation du Luxembourg à l’augmentation de la capacité d’emprunt de l’EFSF à € 440 milliards et la mise à disposition des moyens financiers à l’ESM.

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