"Maintenant, c'est terminé". Jean Asselborn au sujet des raisons qui font que le Luxembourg n'accueillera pas un ex-détenu de Guantanamo

Le Quotidien: Pourquoi ce brusque revirement de situation?

Jean Asselborn: II y a une semaine, j'étais à New York (NDLR : à l'occasion de l'Assemblée générale de I'ONU). Dan Fried (NDLR : haut responsable américain chargé du dossier de la fermeture du camp de Guantanamo) m'a donné rendez-vous. Je savais déjà qu'il y avait des problèmes du côté américain. Je m'attendais donc à ce qu'il me les explique. Il m'a dit qu'il était navré, mais que ça ne se ferait pas. Le 25 décembre 2009, lors d'un vol Amsterdam-Détroit, un Nigérian a tenté de commettre un attentat. Il s'avère qu'il avait été formé par Al-Qaïda au Yémen. C'est à partir de là qu'il y a eu un débat qui a porté sur la question de savoir si oui ou non il fallait renvoyer des ex-détenus de Guantanamo au Yémen (NDLR: l'homme concerné avait fait part de son intention de rentrer dans son pays d'origine après son passage au Luxembourg).

Le Quotidien: Pourquoi, dès lors, ne vous ont-ils pas prévenu plus tôt?

Jean Asselborn: Il y a, aux États-Unis, des élections (NDLR: législatives) en novembre. Elles sont importantes pour l'administration Obama. Elle ne veut pas prendre de risques : que cette personne soit libérée par une cour de justice est différent d'une libération par le gouvernement américain. Il ne faut pas non plus sous-estimer le conflit armé qui existe à la frontière entre l'Arabie Saoudite et le Yémen. L'Arabie saoudite est un allié important des États-Unis. Ça a sans doute rendu les choses plus compliquées.

Le Quotidien: N'avez-vous pas l'impression que le Luxembourg est, dans cette histoire, le dindon de la farce?

Jean Asselborn: J'avais un seul but : montrer, politiquement, de la bonne volonté et aider un garçon qui, pendant un certain nombre d'années, a été emprisonné de façon illégale pour lui donner une chance de repartir. Je ne suis pas du tout déçu par les États-Unis, je suis déçu pour cet homme qui est toujours à Guantanamo.

Le Quotidien: On peut quand même penser que l'attitude américaine vis-à-vis du Luxembourg n'a pas été très correcte...

Jean Asselborn: Je ne pense pas que ce soit le cas. Vraiment, il y a à nouveau une certaine crispation autour du Yémen. Peut-être aussi y a-t-il des informations du côté des services secrets américains, je ne sais pas. Lorsque l'on a commencé le dossier, cette restriction là n'existait pas. Mais les Américains se sont rendu compte que le Luxembourg n'accepterait pas, comme d'autres pays l'ont fait, des gens qu'il doit surveiller, qui seraient emprisonnés au Luxembourg. Ce n'était matériellement pas possible. Pour moi, aujourd'hui, ce dossier est clos.

Le Quotidien: Cela veut-il dire que la porte du Luxembourg est désormais fermée à tout ex-détenu de Guantanamo?

Jean Asselborn: Dan Fried m'a dit qu'il ne reviendrait plus vers nous, car nous avons montré beaucoup de bonne volonté. Il était navré mais c'est lui qui a tiré la conclusion : c'est terminé. C'est un dossier sérieux. On a proposé notre aide, ça n'a pas marché, maintenant c'est terminé.

Le Quotidien: Car il faudrait tout reprendre à zéro?

Jean Asselborn: Vous m'avez vous-même demandé: "N'êtes-vous pas le dindon de la farce?" Puis-je recommencer comme ça? Ce dossier-là est clos, donc l'affaire est close.

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