Traduction française

Déclaration du gouvernement sur la situation économique, sociale et financière du pays 2013 (traduction française)

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Rien n’est plus comme avant. Tout n’a pas changé, mais beaucoup a changé, bien des choses ont changé. D’autres changements sont nécessaires, sinon tout va changer.

Il n’est jamais facile de gouverner. Si gouverner semble parfois facile, ce n’est là qu’une impression. Ceux qui ont déjà gouverné savent qu’il s’agit d’une tâche tantôt plus tantôt moins difficile. Mais quoi qu’il en soit, ce n’est jamais une tâche vraiment facile.

Actuellement, c’est une tâche particulièrement difficile. Gouverner est devenu extrêmement difficile – et ce notamment dans un petit pays, qui ne peut réajuster les axes de la politique mondiale – parce que ce siècle en est arrivé à une situation où on ne sait pas exactement quelle tournure les choses prendront. Les certitudes d’hier s’effondrent: le rêve d’une croissance constante s’est évanoui et l’intégration européenne, en perte de vitesse et d’intensité, s’égare dans des rues secondaires et des impasses nationales. De nouveaux conflits se font jour. Certains – comme le conflit qui divise la péninsule coréenne – sont alimentés par une situation historique qui n’a jamais vraiment été réglée. D’autres éclatent du jour au lendemain, comme c’est le cas des hostilités violentes au Mali et des efforts pas toujours habiles pour instaurer des régimes démocratiques en Afrique du Nord. Tous ces processus impactent également notre réalité, confrontée en plus aux effets et aux répercussions de la crise financière et économique mondiale et continentale.

Chez nous, ce climat d’incertitude générale se trouve de surcroît renforcé par une crise de confiance, causée par nous-mêmes, dans les institutions de notre État. Il faudrait être aveugle et sourd pour ne pas se rendre compte que beaucoup de gens n’ont plus vraiment confiance dans certaines institutions. Si la situation que nous traversons n’est pas une crise d’État, il n’en reste pas moins que l’État est confronté à des phénomènes de crise. L’affaire dite «Bommeleeër» et les circonstances de l’enquête, l’affaire SREL et les fautes partielles commises par un petit nombre de ses collaborateurs ont sapé la confiance.

On entend souvent parler d’affaires d’État. Je préfère m’abstenir de commentaires à ce sujet, spéculations et conjectures ne nous faisant pas avancer, j’en laisse le soin à d’autres. Permettez-moi néanmoins de parler de l’État lui-même.

C’est au niveau de l’État que convergent les ambitions d’un pays. C’est l’État qui organise la mise en œuvre des aspirations de la nation. Sa mission est d’assurer le déroulement correct de l’ensemble de ses fonctions. Elle ne consiste pas à masquer, à camoufler ou à dissimuler les problèmes. En plus, il doit éviter, en adoptant un comportement approprié, que ses organes ne soient suspectés de dissimuler, de camoufler et de masquer des problèmes. Et de le faire sciemment. L’État perdrait sa crédibilité – laquelle est indispensable à la cohésion nationale – s’il protégeait et couvrait ses organes lorsque ceux-ci ne respectent pas les intérêts de l’État. La raison d’État est une denrée rare avec laquelle il ne faut pas jouer. On évoque souvent la raison d’État, toutefois, elle ne se rencontre que très rarement. Je ne l’ai rencontrée presque jamais. Et lorsqu’on rencontre la raison d’État, il faut – une fois que les raisons qui l’ont justifiée n’existent plus – expliquer pourquoi il existait à un moment donné des raisons qui la justifiaient.

L’affaire dite «Bommeleeër» n’a rien à voir avec la raison d’État. Et pourtant, d’une certaine manière, elle y est étroitement liée: la raison d’État veut en effet que cette affaire soit élucidée.

Ceux qui gouvernent ont une obligation particulière de veiller à la crédibilité et à l’irréprochabilité de l’État.

C’est pour cette raison que les ministres se sont donné un Code de déontologie, et je suis heureux que la Chambre des députés ait l’intention d’intégrer les mêmes normes et exigences dans son Règlement.

C’est pour la même raison que le gouvernement a présenté un projet de loi concernant l’accès aux informations publiques. Ce projet de loi a donné lieu à des critiques et bien sûr – on s’y attendait – on a accusé le Premier ministre de vouloir faire adopter cette loi pour bloquer et boycotter l’accès à l’information. Ce projet deloi est un projet du gouvernement. C’est en son nom que je l’ai déposé. Je soutiens ce projet, toutefois, je suis prêt à élargir l’obligation d’information de l’État par rapport à ce que prévoit le projet. Si, au sein de la Chambre, vous orientez votre travail dans le même sens, je serai votre allié. Vous parviendrez plus facilement que moi à convaincre les ministres plus réticents du bien-fondé d’une transparence élargie et, si vous les invitez à participer aux séances de vos commissions, vous serez certainement en mesure de réfuter leurs arguments.

C’est encore pour la même raison que nous saisirons la Chambre des députés d’une réforme du Service de renseignement. Elle est prévue dans le programme gouvernemental. La Chambre des députés participera à sa préparation. Elle doit clairement définir le périmètre des activités du Service de renseignement tout en renforçant son contrôle politique et parlementaire.

Cette  initiative,  à  l’instar  d’un  certain  nombre  d’autres  projets,  est  destinée  à renforcer la confiance dans l’État. Ce faisant, il ne faut toutefois pas oublier que la confiance se construit petit à petit, goutte à goutte. En revanche, elle se perd plus rapidement qu’elle ne se construit, elle ne se perd pas goutte à goutte, mais par litres voire par milliers de litres.

Monsieur le Président,

Rien n’est plus comme avant.

Cela  vaut  également  pour  les  finances  publiques.  Comparées  à  celles  de  nos voisins, elles sont toujours solides. Toutefois, comparées à ce qu’elles étaient avant, elles sont aujourd’hui moins stables. Nous devons donc les stabiliser.

Ce n’est pas une tâche facile lorsqu’au cours d’une même année, des prévisions de croissance plus que contradictoires se succèdent. En effet, à côté du spread des taux d’intérêt, il existe malheureusement aussi le spread des prévisions. Je me méfie de plus en plus de ces estimations sans cesse nouvelles, qui ne me font plus perdre mon sang-froid.

En 2012, les fluctuations des prévisions et estimations étaient impressionnantes. Lorsque nous avons établi le budget de cette année-là, nous nous sommes basés sur les prévisions de la Commission européenne, prévoyant une croissance de 1% à 1,5% pour la zone euro. Or, le résultat de cette année était une croissance de -0,6%, soit   un   résultat   deux  fois   pire que   les  prévisions.   En   élaborant  le   budget luxembourgeois, nous avons tablé sur une croissance probable de 2% au Grand- Duché. Pendant cette période – c’est-à-dire au cours de l’année 2012 – des prévisions nationales et internationales ont fait état d’une baisse éventuelle à 0,1% avant de prévoir à nouveau une croissance positive de 0,5%. Aujourd’hui, nous savons qu’en 2012, notre économie, malgré un quatrième trimestre favorable, n’a connu qu’une croissance modeste de l’ordre de 0,3%. On avait donc prévu une croissance de 2% pour n’atteindre finalement que 0,3%. Le ministre des Finances et le gouvernement, qui se voient reprocher par d’aucuns un pessimisme excessif et, de surcroît, délibéré, étaient donc, pour l’année 2012, nettement trop optimistes, et ce sans en être conscients.

Cette danse erratique des prévisions donne le vertige. Il en va de même, lorsqu’on doit y participer sans perdre la cadence, du ballet des chiffres budgétaires qu’on a observé douze mois durant, soit tout au long de l’année 2012.

Souvenez-vous:  le  projet  de  budget  pour  2012  avait  fait  état  d’un  déficit  de l’ensemble des finances publiques de 330 millions d’euros – soit 0,7% du PIB – et d’un déficit de l’administration centrale de 1143 millions d’euros – soit 2,6% du PIB. Les chiffres dont nous disposions au cours des premiers mois de l’année 2012 nous ont amenés en avril à revoir à la hausse les prévisions du déficit de l’ensemble des finances publiques, désormais estimé à 805 millions d’euros – soit 1,8% du PIB –, avant que nous n’ayons décidé en octobre de l’estimer à 860 millions d’euros – soit 2% du PIB. En ce qui concerne le déficit de l’administration centrale, on l’avait estimé à 1143 millions d’euros lors de l’établissement du budget 2012, puis à 1470 millions d’euros – soit 3,1% du PIB – en avril et, finalement, à 1.640 millions d’euros – soit 3,8% du PIB – en octobre. C’était une situation à faire perdre la tête. Or, Dieu merci, le ministre des Finances, plutôt que d’attraper un torticolis, a gardé l’esprit lucide. Il est parvenu à limiter le déficit de l’ensemble des finances publiques à 359 millions d’euros – soit 0,8% du PIB –, chiffre qui restait bien en deçà des 2% prévus à un moment donné. En ce qui concerne le déficit de l’administration centrale, on l’a limité à 1.157 millions d’euros – 2,6% du PIB –, soit un déficit bien inférieur aux 3,8% du PIB prévus à un certain moment. Au terme de cette valse-hésitation, au terme de ces incroyables fluctuations des prévisions tout au long de l’année 2012, la situation effective des finances publiques était – malgré une chute imprévue de la croissance de 2% à 0,3% – très proche des chiffres que nous avions proposés dans cette enceinte, en octobre 2011, pour l’année 2012. En octobre 2011, nous avions estimé le déficit total à 330 millions d’euros – soit 0,7% du PIB –; le déficit effectif s’est finalement élevé à 359 millions d’euros – soit 0,8% de notre PIB. En octobre 2011, nous avions estimé le déficit de l’administration centrale à 1.143 millions d’euros – soit 2,6% du PIB –, le déficit effectif s’étant finalement élevé à 1.157 millions d’euros – soit exactement 2,6% de notre PIB. Nous avons donc bien atterri dans la zone d’atterrissage prévue. Il reste toutefois que le déficit de l’ensemble des finances publiques de l’ordre de 0,7% qu’on avait prévu en octobre 2011 a augmenté à 0,8% fin décembre 2012. Mais existe-t-il au sein de la zone euro un autre budget qui soit resté aussi proche des prévisions malgré l’écart dramatique entre les hypothèses initiales et la croissance effective? Inutile de le chercher, car il n’existe pas.

Au niveau des finances, les résultats de l’année 2012 sont meilleurs que ceux de l’année 2010 – 0,8% contre 0,9% pour l’ensemble des finances publiques. Cependant, ils sont moins favorables que ceux de l’année 2011 – soit 0,7% contre 0,2% pour l’ensemble des finances publiques, 2,6% contre 2,4% pour l’administration centrale. En 2012, l’administration centrale était confrontée à un trou financier de 1.157 millions d’euros, montant que nous avons dû emprunter. À en croire les prévisions, cette détérioration risque malheureusement de se poursuivre au cours des années 2014 à 2016. Il ne faut pas nécessairement croire les prévisions, mais il faut pouvoir se baser sur elles.

Avant de vous annoncer les prévisions pour les prochaines années, je voudrais mentionner un certain nombre d’autres réflexions qui, certes, devraient vous être familières, mais qui n’en méritent pas moins d’être rappelées de manière compacte.

Les gens se demandent souvent ce que l’État fait de leur argent. Et vu qu’ils ne le savent  pas  exactement,  ils  croient  volontiers  ceux  qui  leur  racontent  que l’État dépense  trop  d’argent  pour  lui-même  sans  investir  suffisamment  dans  l’avenir. Voyant qu’il manque au total plus d’un milliard d’euros, ils hochent la tête. Or, en jetant  non  seulement  un  coup  d’œil  quantitatif  sur  le  solde,  mais  en  portant également un regard qualitatif sur les chiffres qui le sous-tendent, on se rendra compte des milliards d’euros affectés à la préparation de l’avenir.

Pour la période de 2009 à 2013 inclus, les dépenses de l’État s’élèvent à 62 milliards d’euros, montant dont la part destinée à la préparation de l’avenir est impressionnante.

-   C’est ainsi que 9,7 milliards d’euros sont affectés à l’enseignement, secteur par excellence où se prépare l’avenir. 9,7 milliards d’euros sont consacrés à l’enseignement, sans compter le coût des activités annexes et connexes. Nous ne pouvons ni ne devons réaliser au cours des prochaines années des économies aux dépens de l’éducation. On ne peut réduire les postes budgétaires liés à l’enseignement.

-   Investissements directs et indirects confondus, nous procédons pour la période de 2009 à 2013 à des investissements de l’ordre de 8 milliards d’euros. Certes, leur financement intégral par l’emprunt – il s’agit en effet d’investissements dont profiteront aussi les générations futures – ne constituerait aucunement une aberration politique. Toutefois, nous n’empruntons d’ici à la fin de l’année 2013 que quelque 5 milliards d’euros, ce qui veut dire que le montant de nos investissements est supérieur au montant emprunté. Nous procédons à des investissements importants, qui s’élèvent en moyenne à 3,8% de notre PIB. Or, en moyenne, les pays de la zone euro n’affectent que 2,3% de leur PIB aux investissements. Nous pourrions donc réaliser des économies de l’ordre de 500 millions d’euros par an en suivant leur exemple. En suivant le modèle allemand – l’Allemagne ne consacre que 1,1% aux investissements – nous serions même en mesure de réaliser des économies d’un milliard d’euros. Or, cela reviendrait à réaliser aujourd’hui des économies aux dépens de l’avenir. L’Allemagne, loin d’être exemplaire sur tous les plans, n’est pas toujours le modèle à suivre.

-   De  même,  nous  dépensons,  via  le  budget,  5,3  milliards  d’euros  à  titre  de prestations de politique familiale. On dit souvent que les enfants sont notre avenir. Nous n’hésitons pas à investir dans notre avenir.

-   Pour la période de 2009 à 2013, le montant des fonds publics consacrés à la recherche dans notre pays s’élève à 1.245 millions d’euros, soit 250 millions d’euros par an. Même au cours de l’année de crise 2010, notre volonté résolue d’investir dans l’avenir est restée intacte, parce que le budget 2010 prévoit une augmentation de 21% des crédits destinés à la recherche. Aucun autre pays n’a décidé une telle augmentation des dépenses de recherche durant cette période de crise. De 2004 à 2008 – soit pendant la dernière législature – le budget de la recherche s’élevait à 592 millions d’euros (118 millions par an), soit deux fois moins qu’au cours des cinq dernières années. La recherche montre la voie de l’avenir. Il ne faut pas que nous nous écartions de cette voie.

-   De même, le montant total mis à la disposition de l’Université du Luxembourg entre  2009  et  2013  s’élève  à  515  millions  d’euros,  soit  100  millions  par  an. Pendant l’année de crise 2010, nous avons augmenté le budget de l’université de 19,1%. Aucun autre pays n’a fourni un effort comparable durant cette crise. Bien au  contraire:  les  budgets  universitaires  sont  réduits  partout.  Au  cours  de  la dernière législature, l’université a bénéficié d’un montant de 202 millions d’euros, soit 40 millions d’euros par an contre 100 millions d’euros par an depuis 2009. Le budget de l’université a donc doublé, tout comme celui de la recherche.

Pourquoi rappeler ces postes, ces chiffres qui sous-tendent le budget? Eh bien, parce que je veux vous montrer, à vous et aux gens, que même en temps de crise, nous préparons l’avenir et que – contrairement à ce qu’on entend parfois dire – les économies que nous réalisons ne se font pas à l’aveuglette ni de manière insensée. Si nous avions eu l’intention de faire des économies insensées, nous aurions réduit le volume annuel de nos investissements de 500 millions d’euros, nous n’aurions pas augmenté le budget de la recherche et de l’université par rapport à la période précédente, ce qui nous aurait permis de réaliser des économies de l’ordre de 190 millions d’euros. Cela aurait permis de réduire le déficit budgétaire de 690 millions d’euros, il reste toutefois qu’à y regarder de plus près, nous aurions commis une erreur, parce que nous aurions réalisé des économies aux dépens de l’avenir.

Monsieur le Président,

Je viens de dire que, compte tenu des prévisions dont nous disposons, les perspectives financières continueraient à se détériorer.

Quelles sont ces prévisions?

En 2012, notre économie a connu une croissance de 0,3%. C’est là une croissance faible qui montre que nous sommes loin d’être tirés d’affaire. En 2013, nous ne sommes pas plus riches qu’en 2008. Depuis cinq ans, nous marquons le pas. D’autres pays ont même connu un recul en 2012: les Pays-Bas par exemple (0,6%), tout comme la zone euro dans son ensemble.

Il faut s’attendre à ce que la zone euro reste en récession en 2013. Les prévisions font état d’un repli de la croissance de 0,3%. Par contre, on prévoit une croissance positive de 1,4% pour 2014 et un taux respectif de 2% et de 1,6% pour 2015 et 2016. À mon avis, ces chiffres sont relativement optimistes. Ces taux ne peuvent – le cas échéant – être atteints que si nous accordons aux pays de la zone euro soumis à un programme d’ajustement européen des délais supplémentaires pour atteindre les objectifs d’ajustement. Les populations grecque, chypriote, portugaise, etc. ne peuvent plus suivre le rythme de consolidation actuel. Dans les pays soumis à un programme, mais aussi dans d’autres pays qui s’écartent des objectifs, comme c’est le cas de la France, une consolidation trop poussée étoufferait la croissance. Les objectifs fixés restent valables et il faut qu’ils soient atteints. De 2008 à 2013, la dette publique des pays de la zone euro est passée de 70,2% à 95,1%. Il faut la réduire, toutefois, il faut remettre en question le rythme initialement prévu. Le gouvernement luxembourgeois se prononce en faveur d’un rythme moins intense. Un rythme de consolidation inchangé mènera à une explosion sociale. Contrairement à ce que nous pensons, la zone euro compte d’ores et déjà 18 et non pas 17 pays. En effet, en plus des 17 pays membres, elle comprend un pays supplémentaire. C’est le pays des 19 millions de personnes sans emploi.

En 2013, la croissance restera flegmatique au Luxembourg. Il semble que la croissance de notre PIB ne dépassera pas 1%, alors qu’au moment du vote du budget, en décembre, on prévoyait une croissance 1,7%. Toutefois, pour les années

2014, 2015 et 2016, on s’attend à une croissance réelle respective de 2,3%, 1,9% et 3,8%.

L’expansion de l’emploi serait de 1,6% en 2013, de 1,2% en 2014 et de 2,2% en 2015 et 2016. Le chômage s’élèverait à 6,7% en 2013 avant de reculer à 6,4% en 2016.

Le revenu disponible des gens augmenterait de 1,3% en 2013 et de 2% par an au cours des trois années suivantes. Quant à l’inflation, elle s’élèvera à 1,8% en 2013 et restera inférieure à 2% au cours des trois années suivantes. Si le système d’indexation automatique des salaires est réactivé en 2015, la première tranche indiciaire suivant celle d’octobre 2014 échoira probablement en juin 2016.

Il faut enrichir les prévisions européennes et nationales d’un certain nombre de données macroéconomiques externes qui sont les mêmes pour tous les pays de la zone euro. Tous les pays de la zone euro partent d’une évolution constante des prix pétroliers et du cours de change entre le dollar et l’euro pendant la période de 2014 à 2016. Leurs considérations financières reposent sur une augmentation graduelle des taux d’intérêt à court et à long terme à partir de 2014 et une «normalisation» de la situation sur les marchés financiers, soit, concrètement, une hausse de l’Eurostoxx 50 de 4,7% en 2014, de 12,9% en 2015 et de 9,8% en 2016.

Compte tenu des différentes prévisions, estimations et hypothèses, l’évolution des finances publiques est telle que nous devons l’inverser.

Pour rappel: en 2012, le déficit total de l’ensemble des finances publiques s’élève à quelque  360  millions  d’euros – soit  0,8% du PIB. Le déficit  de l’administration centrale s’élève à quelque 1150 millions d’euros, soit 2,6% du PIB. Après le vote du budget 2013, le solde négatif s’élève à quelque 340 millions d’euros – soit 0,7% du PIB – pour l’ensemble des finances publiques et à quelque 1.025 millions d’euros au niveau de l’administration centrale, soit 2,2% du PIB. Ces résultats sont plus favorables que ceux de 2012, ce qui est dû principalement au paquet de consolidation de plus de 900 millions d’euros décidé pour 2013.

Compte tenu de la diminution inévitable de quelque 700 millions d’euros, à partir de 2015, des recettes de TVA liées au commerce électronique et en supposant en plus une politique inchangée, les finances publiques présenteraient un profil peu réjouissant. Dans cette hypothèse, le solde négatif total de l’ensemble des finances publiques s’élèverait à 1,3% en 2014, celui de l’administration centrale s’établissant à 2,6%. Ces déficits s’élèveraient respectivement à 3% et à 4,1% en 2015 ainsi qu’à 2,8% et à 3,7% en 2016.

Ces chiffres, tout comme leur évolution, montrent qu’il sera impossible d’atteindre notre objectif de rétablir l’équilibre financier global d’ici à 2014. La raison principale en est la croissance extrêmement faible que nous avons connue. Or, au cours des trois prochaines années – je viens de le dire – la croissance – à moins qu’une véritable catastrophe ne se produise – augmentera nettement. Aussi sommes-nous d’avis que nous avons toutes les chances d’atteindre l’équilibre de l’ensemble des finances publiques au plus tôt d’ici à 2016 et au plus tard d’ici à 2017. Toutefois, nous n’atteindrons cet objectif qu’à condition de compenser  à partir de 2015 la baisse des recettes de TVA liées au commerce électronique par une augmentation de nos taux de TVA. Nos taux de TVA sont les plus bas d’Europe. Depuis 1993, ils n’ont plus bougé. Nous sommes le seul pays d’Europe à avoir gelé les taux de TVA pendant une période aussi longue. En 2015, le moment sera venu de les relever; toutefois, nous le ferons de manière à conserver les taux de TVA les plus bas d’Europe. Il est indiqué d’intégrer cette réforme de la TVA dans une réforme fiscale plus globale qui transforme la structure de nos tarifs de manière à ce que les classes moyennes – une expression affreuse, soit dit en passant – ne soient pas pénalisées. Les préparatifs de cette réforme du système fiscal et de la TVA ont commencé. Cependant, il n’y aura pas de changement avant 2015. Il ne serait en effet pas judicieux de modifier la structure de la TVA dans le contexte conjoncturel actuel.

Toutefois, pour rétablir l’équilibre de l’ensemble des finances publiques et réduire le déficit de l’administration centrale, les efforts ne doivent pas se limiter à une réorientation du système de TVA. Nous devons poursuivre nos efforts de consolidation durant les années 2014, 2015 et 2016.

Or, poursuivre les efforts de consolidation, c’est plus facile à dire qu’à faire. Ce serait facile, si on optait pour les solutions faciles.

On pourrait par exemple réduire le volume des investissements de 500 millions d’euros en les ramenant à la moyenne de la zone euro. Toutefois, en procédant de la sorte, on provoquerait un ralentissement brusque de la croissance et une explosion du nombre de faillites. Pour cette raison, nous n’opterons pas pour cette solution. Nous nous contenterons d’une stabilisation nominale du volume actuel des investissements. En matière de politique d’investissement, nous renforcerons notre coopération avec la Banque européenne d’investissement, ce qui permettra de réduire le coût de nos projets d’investissement.

Il faut que les crédits consacrés à la recherche, à l’innovation et à l’université continuent à augmenter, toutefois ils ne pourront plus augmenter à des taux à deux chiffres.

Si on voulait opter pour les solutions faciles, on pourrait réduire la contribution étatique au financement de nos systèmes de Sécurité sociale – elle représente 45% de leurs recettes – pour la ramener au niveau de nos voisins – qui est de 33%. Cela nous permettrait d’y consacrer seulement 7,8% de notre PIB et non pas 10,5%. Économies réalisées: diminution d’un milliard d’euros du déficit budgétaire de l’administration centrale. Logiquement, il faudrait toutefois compenser ce milliard par une augmentation des cotisations des employeurs et des assurés, mesure qui détruirait notre compétitivité. Or, plutôt que d’opter pour une telle solution, nous entendons stabiliser les cotisations des entreprises jusqu’en 2016 au niveau actuel.

Il est possible de réduire davantage les frais de fonctionnement de l’État. C’est ce que nous faisons. Toutefois, compte tenu des efforts fournis au cours des dernières années, la marge de manœuvre est limitée.

Nous sommes en train de vérifier l’efficacité des aides financières dans le domaine du logement. Il existe sur ce plan des possibilités de réaliser des économies dont il faudra profiter à l’avenir. Il faudra en profiter à l’avenir, non pas en ce qui concerne les bénéficiaires des mesures en cours. La bonification d’intérêt sera supprimée. En plus, nous sommes d’avis qu’un impôt plus élevé sur les plus-values réalisées sur les terrains s’impose.

Dans le domaine social, nous devons – en surmontant des barrières idéologiques figées – mettre sur le métier la question des prestations qui, conformément aux dernières jurisprudences, doivent être davantage transférées à l’étranger. Tout ce qui est concluant du point de vue juridique n’est pas judicieux sur le plan concret et matériel. Nous ferons également des économies dans ce domaine. En plus, nous devons réexaminer le financement de l’assurance dépendance. Le nombre de bénéficiaires augmente d’année en année – fait non surprenant compte tenu de notre structure démographique. Les frais augmentent. Nous voulons maintenir la qualité des soins, toutefois, nous devons parvenir à maîtriser à nouveau leur coût. Soit en limitant l’augmentation du coût des prestations. Soit – si cela s’avère impossible – en augmentant les cotisations des assurés sans que les charges financières incombant à l’État augmentent.

Nous attendons un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de bourses d’études, que nous redéfinirons à la lumière de cet arrêt avec la volonté claire de réaliser des économies.

Nous mettrons fin à la préretraite-solidarité et nous dégraisserons l’aide au réemploi.

Nous veillerons à ce que les critères, lesquels restent à revoir, présidant à l’organisation des subsides accordés par le ministère de l’Intérieur aux communes soient effectivement appliqués par tous les autres départements.

Bref, il faut poursuivre les efforts. Sur tous les plans. Pour le budget 2014, nous avons l’intention de fournir un effort de consolidation d’au moins 250 à 300 millions d’euros. En plus, nous devons faire baisser les déficits en 2014 par rapport au niveau de 2013. Enfin, il faut qu’en 2015, en 2016 et au plus tard en 2017, nous atteignions l’équilibre de l’ensemble des finances publiques, et à cet effet, nous devons faire d’importants efforts de consolidation en 2015 et 2016. En prenant ces mesures, nous aurons atteint au plus tard en 2016/2017 une situation financière correspondant à celle de 2005. Nos objectifs sont les suivants: un déficit zéro de l’ensemble des finances publiques, un déficit inférieur à 1% du PIB au niveau de l’administration centrale. Ce déficit de 1%, il faut le considérer à la lumière d’un volume d’investissements – dans l’avenir et dans les générations à venir – d’au moins 3% du PIB. À l’avenir, le financement partiel des investissements par le recours à l’emprunt reste une pratique courante.

Je le sais: il y a des gens qui se sont attendus à ce que je proclame pour 2014 une politique de sang et de larmes. Je suis également conscient que beaucoup me considéreraient comme courageux si j’annonçais aujourd’hui des économies budgétaires d’un milliard d’euros pour 2014. Ce serait là peut-être une mesure courageuse, toutefois, ce serait également une mesure contre-indiquée. L’évolution actuelle de la conjoncture interdit une consolidation dépassant 300 millions d’euros. La zone euro est en récession, la croissance économique du Luxembourg est insignifiante. Après un effort de consolidation de plus de 900 millions d’euros pour

2013, un paquet de consolidation supérieur à 300 millions d’euros pour 2014 serait contre-productif pour la croissance économique, l’évolution du chômage et la consommation dans notre pays.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Il m’est impossible de ne pas parler du niveau de notre dette publique.

Elle évolue, en tendance, dans le mauvais sens. Bien qu’il faille rappeler qu’au cours des années 1960, la dette était supérieure au niveau actuel.

Elle a connu une évolution spectaculaire. En 2007, avant la crise, elle s’élevait à 2,5 milliards d’euros, soit 6,7% du PIB. Aujourd’hui, elle s’établit à 11,4 milliards, soit 25% du PIB. Si l’on déduit le montant de l’emprunt qui avait servi à sauver la Banque Générale, elle se monte à 9,4 milliards d’euros, soit 20,6% du PIB. Comparée à la dette des autres pays européens, elle a atteint un niveau non pas spectaculaire, mais ordinaire: notre dette s’élève à 25% ou, selon le cas, 20,6%, contre 95% du PIB au niveau de la zone euro, quelque 100% en Belgique, 93,4% en France, 80% – tiens! – en Allemagne, 75% en Autriche, 74% aux Pays-Bas et 57% en Finlande. Les autres pays triple A de la zone euro – Allemagne, Pays-Bas, Finlande – ont une dette proportionnelle nettement supérieure à la nôtre.

Néanmoins, notre dette augmente trop rapidement compte tenu de notre situation. Une fois qu’on a commencé à s’endetter, la dette évolue rapidement. Depuis 2008, la dette de la zone euro a connu une augmentation de 25 points de pourcentage du PIB de la zone euro. Cette évolution illustre la dynamique explosive qui découle d’un endettement inconsidéré ou imposé par les circonstances. Une dette élevée entraîne un service de la dette élevé. Or, ce service élevé de la dette rétrécit les marges de manœuvre budgétaires. Il s’ensuit que nous devons veiller à maîtriser l’évolution de la dette publique et du service de la dette. S’endetter plutôt que de faire des efforts de  consolidation  est  un  venin  doux,  tandis  que  le  remboursement  de  la  dette laissera, quant à lui, un goût amer. Aussi faut-il – dans toute la mesure du possible – corriger sa dette publique à la baisse par un comportement intelligent.

En 2008, l’État luxembourgeois a sauvé la Banque Générale – c’est bien l’expression qui s’impose – par un nouvel emprunt public de deux milliards d’euros au taux de 3,75%. Nous avons nous-mêmes sauvé nos banques, sans recourir à l’aide des autres États de la zone euro. Dans le cadre de cet emprunt destiné à sauver la BGL, l’État a payé 450 millions d’euros à titre d’intérêts. Les bénéficiaires en étaient les Luxembourgeois qui avaient participé au plan  de sauvetage de la  BGL. En tant qu’actionnaire de la BGL, l’État aura touché d’ici fin 2013 un montant total de 508 millions d’euros à titre de dividendes et d’intérêts de dépôt. Cette opération, qui a permis de sauver la banque et de tenir indemnes épargnants et clients, a généré des recettes supérieures aux dépenses, soit un gain de 58 millions d’euros. L’action concernant la BIL qui a été lancée parallèlement nous a quant à elle permis de réaliser une marge d’intérêts de l’ordre de 27,3 millions d’euros. Les deux opérations réunies ont ainsi généré des recettes supplémentaires nettes de 85 millions d’euros au niveau du budget. Nous avons évité la faillite de deux banques tout en réalisant un gain!

L’emprunt BGL expire en décembre 2013. L’État luxembourgeois sera alors prêt à cesser d’être actionnaire de la BGL. Nous n’y sommes pas obligés: notre dette soutient aisément la comparaison avec celle de nos voisins. Toutefois, si à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine, le prix est raisonnable, c’est-à-dire si BNP-Paribas nous propose un montant que nous jugeons approprié, nous vendrons nos actions. Nous ne les vendrons pas parce que nous y serions obligés, mais parce que nous pourrons le faire éventuellement à des conditions intéressantes. Si les conditions ne nous conviennent pas, nous ne vendrons pas nos actions. Si elles nous conviennent, nous le ferons. Et au cas où nous le ferions, nous réduirions notre dette publique de deux milliards d’euros, laquelle passerait ainsi de 25% à 20,6% du PIB. Sauver une banque, préserver les emplois, tenir les clients indemnes et réaliser un gain pour réduire finalement la dette: on aurait pu faire pire! Toutefois, il reste des points à négocier, c’est pourquoi je vais m’arrêter ici.

Monsieur le Président,

Je viens de parler d’une, voire de deux banques.

J’aborde à présent une question qui concerne toutes les banques. Cette question est celle du secret bancaire.

Toutefois, avant d’aborder ce sujet, je voudrais parler de la place financière d’une manière générale.

Notre place financière représente 36% de notre produit intérieur brut; des milliers, voire des dizaines de milliers d’emplois en dépendent directement ou indirectement. C’est son savoir-faire, la variété des produits proposés – atout qui la distingue clairement de Chypre – et l’expertise de ses dirigeants et collaborateurs qui lui ont permis de conquérir sa place dans le monde.

Ce serait commettre une erreur fatale que de cesser de miser sur la place financière. Nous poursuivrons le développement de son orientation internationale.

Cependant, on se tromperait également en considérant la place financière comme un guichet automatique capable de faire déborder sans problème les caisses publiques. Pour remplir les caisses, nous avons également besoin d’autres sources de revenus.

Si nous voulons assurer l’avenir de notre place financière, nous devons participer activement à la fixation des règles qui encadrent les activités financières internationales. Comptant parmi les premiers centres financiers au niveau mondial, la place financière luxembourgeoise ne doit pas faire tapisserie. Notre place est au centre du terrain. Il faut que nous soyons au centre du terrain où les règles de solidité des banques sont définies. Nous devons participer à la lutte contre le blanchiment  de  capitaux  et  la  fraude  fiscale,  laquelle  constitue  un  acte  de désolidarité nationale et internationale.

En 2000, le gouvernement luxembourgeois de l’époque s’est engagé à Feira, au Portugal, sur la voie de la suppression progressive du secret bancaire et de l’introduction d’un échange automatique d’informations, avec l’accord de la Chambre des députés d’ailleurs. Depuis lors, on a avancé dans cette voie: dans un premier temps, sous l’effet de la crise financière, l’échange d’informations sur demande a été adopté; en ce qui concerne l’échange automatique d’informations, ce sont les USA – les USA et non pas les Européens ni les Allemands – qui l’ont exigé, en adoptant une loi dans ce sens, pour tous les pays avec lesquels ils effectuent des opérations financières. Le modèle basé sur la retenue à la source, que nous avions préféré en premier lieu, n’a pas su convaincre les acteurs internationaux ni n’a été accepté par eux. Nous pouvons nous en plaindre, parce que nous étions d’avis que la retenue à la source aurait un meilleur rendement que ce système assez complexe qu’est l’échange automatique d’informations. Or, cette solution n’a pas été retenue, ce qui est dû avant tout à la position radicale adoptée par les Américains. Si, à présent, nous modifions notre position, nous ne le faisons pas sous l’effet de la pression exercée au niveau européen, pression certes existante parce qu’à ce jour, 25 États sont résolument en faveur de l’échange automatique d’informations. Si nous modifions notre position, nous le faisons parce que les Américains ne nous laissent pas le choix. Les Américains restreignent leurs opérations financières aux pays qui acceptent l’échange automatique d’informations. Si nous nous soustrayons à cette exigence, il n’y aura plus d’opérations financières avec les USA. Or, une place financière internationale ne peut se couper du circuit financier américain. Dans ce contexte, nous sommes heureux que notre place financière ait résolument opté pour une stratégie de l’argent propre. Les activités de notre place financière ne reposent pas sur l’argent sale, ni sur la fraude fiscale. Ses représentants ne cessent de répéter que la place financière repose sur des activités propres et qu’elle renonce aux clients possédant de l’argent sale ou pratiquant la fraude fiscale. C’est pourquoi nous pouvons introduire l’échange automatique d’informations au 1er  janvier 2015 sans que cette mesure ait un impact négatif majeur sur les activités. Cet échange automatique d’informations concerne les revenus des citoyens de l’Union européenne qui sont gérés au Luxembourg et qui entrent dans le champ d’application de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne. Nous ne pouvons pas refuser aux Européens l’ensemble des concessions que nous devrons faire aux Américains dans le cadre d’un accord bilatéral. Pour les résidents, il n’y aura pas de changements: ils continueront à bénéficier du secret bancaire, les intérêts qu’ils touchent faisant l’objet d’une retenue à la source. En ce qui concerne les ressortissants de pays tiers non-membres de l’Union européenne, leur situation sera régie par les conventions bilatérales de non-double imposition conclues ou à conclure.

L’adoption de l’échange automatique d’informations n’est pas une décision prise du jour au lendemain. Il ne s’agit certainement pas d’une réaction précipitée du gouvernement luxembourgeois à la publication récente de listes de fraudeurs fiscaux effectifs ou présumés. Bien au contraire: c’est une décision qui, remontant au sommet de Feira de 2000, a été rendue nécessaire par une tendance internationale à laquelle il n’est guère possible de résister. C’est une décision qui a été discutée et préparée des mois durant dans le cadre de négociations et d’entretiens entre le ministre des Finances et les acteurs de la place financière. Les propos tenus le week-end dernier par le ministre des Finances reflètent ses prises de position publiées depuis un certain temps dans la presse internationale; de ce point de vue, il n’y a rien de nouveau dans ce qu’il a dit. Dans un entretien publié le 6 février 2013 dans le journal Neue Zürcher Zeitung, il a exprimé sa conviction que le secret bancaire serait de moins en moins important dans le domaine de la gestion de fortune. Il s’est déclaré en faveur de la protection du secret bancaire vis-à-vis de tiers, mais non en ce qui concerne les rapports entre les banques et les administrations fiscales. Il a tenu vis-à-vis de la presse luxembourgeoise des propos allant dans le même sens. En janvier dernier, il a déclaré dans une interview accordée à RTL que le secret bancaire de demain resterait un secret bancaire garantissant la protection de la vie privée vis-à-vis de tiers, mais que ce secret n’impliquerait pas la protection vis-à-vis des administrations fiscales internationales. En février 2013, il a exprimé le même point de vue dans paperJam.

Notre décision s’inscrit donc dans une évolution mondiale. C’est une évolution qui s’est annoncée et que nous avons accompagnée activement, nous n’avons pas plié sous la pression allemande – ou «prussienne» comme écrivent nos internautes. 25 pays membres de l’UE et les USA veulent que l’échange automatique d’informations soit introduit. Nous sommes en mesure d’y participer à partir du 1er janvier 2015, parce que notre place financière, consciente de l’évolution internationale, s’y est préparée.

Lorsque nous avons introduit la retenue à la source il y a des années, beaucoup ont prédit la mort de la place financière. Aujourd’hui, on n’entend même plus sonner le glas. Nous avons introduit la retenue à la source après avoir été prêts à le faire. Nous avions raison de l’introduire.

Dans la presse nationale et internationale, je lis des commentaires alarmistes selon lesquels l’échange automatique d’informations signifierait la fin de la place financière luxembourgeoise. Or, le secret bancaire n’est pas vital pour la place financière. Le gouvernement ne va pas plonger la place financière dans l’obscurité. Certes, il n’est pas exclu qu’il y ait des problèmes marginaux liés à l’adaptation à la nouvelle situation. Cependant, nous savons une chose que beaucoup ignorent ou font semblant  d’ignorer: les responsables de notre place financière et ceux qui y travaillent font partie de l’élite mondiale.

Je disais que rien ne serait plus comme avant, que beaucoup de choses changeraient. Cela vaut également pour le contexte mondial dans lequel notre place financière doit évoluer. Croyez-moi: si nous refusions aujourd’hui d’introduire l’échange automatique d’informations, cela ne nous servirait à rien de l’introduire dans quelques années du jour au lendemain parce que nous y serions obligés. Nous ne misons pas sur notre capacité à empêcher une évolution.

Monsieur le Président,

J’aime les chiffres et c’est pour cette raison que j’en ai cité beaucoup. Peut-être trop à votre goût. Et au goût des gens. Or, j’étais ministre des Finances et du Budget pendant 25 ans, ce qui m’obligeait à m’intéresser aux chiffres. On ne peut se passer des chiffres lorsqu’on parle du budget et des finances. Mais lorsqu’on cite des chiffres, on a l’air d’un technocrate loin de la vie des gens. Mais attention: derrière les chiffres se cachent des êtres humains, et les chiffres décrivent la vie. Vous aussi, vous devez examiner les chiffres que je vous ai présentés en toute transparence. Avant fin avril, le gouvernement doit présenter son programme de stabilité pour les années 2014 à 2016 à Bruxelles, programme où il définira non seulement la politique permettant de d’atteindre l’équilibre global, mais où il devra également fixer des objectifs intermédiaires annuels. Ce programme – tout comme la réaction de Bruxelles – fera l’objet d’un débat dans cette enceinte et sera discuté en mai/juin avec les partenaires sociaux, de préférence dans le cadre d’une tripartite qu’il faudra bien préparer.

Lors de ce débat, il appartiendra à chacun soit d’approuver soit de rejeter les étapes budgétaires proposées par le gouvernement, de les approuver ou de les rejeter ou de faire une autre proposition. Chacun devra prendre position sur la question de la dette publique et, partant, celle des charges pesant sur les générations à venir.

L’opposition qualifie l’état de la nation de mauvais. Je lui réponds ceci: le pays a en effet connu des situations plus favorables, tout comme nos voisins. Mais je dis également ceci: nous avons – personne ne le niera – des salaires et des pensions plus élevés que les autres pays, nous avons le deuxième plus bas taux de chômage, nous avons un pourcentage de contrats de travail à durée indéterminée plus élevé que les autres, nous avons des charges sociales moins élevées que les autres pays, nous avons une dette publique et des déficits moins élevés que les autres pays, nous payons moins d’impôts que nos voisins. Si nous avions les déficits les plus élevés, le taux de chômage le plus élevé, les salaires et les pensions les moins élevés, les allocations familiales les moins élevées et les impôts et les charges sociales accessoires les plus élevés, j’aurais moins de mal à comprendre les reproches de l’opposition et les critiques des syndicats et des organisations patronales. Or, compte tenu de la situation, je dois dire que ces larmoiements qu’on observe dans notre pays – comme si notre situation était plus difficile que celle de tous les autres – me paraissent injustifiés, suspects et douteux. Certes, nous pouvons faire mieux sur beaucoup de plans, mais nous aurions également pu faire pire sur beaucoup de plans.

Deux choses nous manquent: nous ne sommes pas assez fiers de nos réussites. Nous n’avons pas assez de courage pour affronter l’avenir. Si on va bien – malgré des défaillances – il ne faut pas se lamenter ni se suicider par peur de la mort, au contraire, il faut retrousser ses manches et faire des efforts pour avancer. Non seulement sur le plan économique – nous n’atteindrons plus les taux de croissance d’il y a quelques années, ce qui, d’ailleurs, n’est pas une catastrophe. Mais dans nos rapports mutuels. Ce n’est pas la solidarité, mais l’égoïsme – tant individuel que corporatiste – qui nous menace. L’égoïsme et cette stupide jalousie corporatiste détruisent la cohésion sociale et nationale. La solidarité la renforce. Or, la solidarité vis-à-vis de tous demande plus d’efforts qu’un égoïsme exclusif où l’on se concentre uniquement sur soi-même. Nous avons besoin d’une société équitable où chacun porte son regard sur l’autre et où la valeur et le rôle de chacun dépendent du regard que les autres portent sur lui. Cela nous amènera à faire des économies dans les domaines qui nous concernent tous et de nous abstenir de celles qui se font uniquement aux dépens des plus faibles. Ce que je viens de dire n’est pas une invitation à un romantisme social naïf. Je lance uniquement un appel en faveur d’une plus grande équité sociale et sociétale.

-   Une société plus équitable: ce fut également ma devise lors de la déclaration sur l’état de la nation de 2011. J’ai dit à l’époque que nous devrions créer 300 postes supplémentaires pour aider les enfants et les familles connaissant des difficultés particulières. Nous en avons créé 232 et nous poursuivrons nos efforts.

-   Une société plus équitable: ce fut également l’objectif qui nous a amenés l’année passée à décider de soutenir les familles à bas revenu en leur accordant un montant de 800 euros par enfant sous forme d’un subside et d’une aide financière en vue de l’achat des manuels scolaires. 5.000 familles bénéficient de cette aide, dont le montant total dépasse 5 millions d’euros.

-   Une société plus équitable: ce fut également la raison pour laquelle nous avons fait passer la contribution étatique au financement de la formation professionnelle continue de 14,5% à 20% pour l’ensemble des salariés et de 14,5% à 35% pour les collaborateurs âgés de plus de 35 ans. La contribution étatique a doublé pour s’élever aujourd’hui à plus de 40 millions d’euros. 51% des salariés du secteur privé et 72% des salariés d’entreprises occupant moins de 20 personnes profitent de cette mesure qui permet d’éviter que le salarié ne pâtisse d’une biographie professionnelle qui n’évolue plus.

-   Une société plus équitable: en 2004, 17,2% des élèves quittaient l’école sans qualification, en 2011, ce pourcentage n’était plus que de 9%. L’école de la deuxième chance – qui contribue à rendre la vie plus équitable – permet à un nombre croissant de jeunes, voire parfois aux moins jeunes, de se rattraper dans leur parcours.

-   Une  société  plus  équitable:  c’est  cet  objectif  que  nous  avons  poursuivi  en quintuplant entre 2004 et 2012 le nombre de places dans les crèches, les foyers, les maisons relais, etc. La moitié des enfants de moins de douze ans ont aujourd’hui accès à ces structures permettant de mieux concilier vie professionnelle et familiale. Les dépenses que nous avons consacrées à la garde des enfants dépassent les économies réalisées grâce à la désindexation des allocations familiales.

-   Une société plus équitable: c’est un objectif qui se traduit également par le fait que nous avons relevé l’allocation de vie chère quand les prix pétroliers ont augmenté, tandis que nous ne l’avons pas réduite quand ils ont baissé. Cet objectif se traduit aussi – pour remonter à la dernière législature, car la politique d’une coalition forme un tout – par l’introduction du boni pour enfants, qui respecte l’égalité des enfants indépendamment de la situation de revenu de la famille. Il se traduit également par l’introduction du statut unique – voyez les difficultés auxquelles on se heurte en Belgique. Il se traduit encore – pour remonter encore plus loin dans le temps – par la réforme du système de pensions du secteur public, qui a contribué à une plus grande égalité dans notre pays. Enfin, il se traduit – pour remonter très loin dans le temps – par la réforme fiscale de 1991, qui a permis une fixation plus équitable des différentes classes d’impôt.

-   Une société plus équitable: qu’était l’introduction d’un revenu minimum garanti et de l’assurance-dépendance – deux grandes contributions du LSAP et du CSV à la création d’une société équitable – sinon une mesure supplémentaire témoignant du regard porté sur notre prochain?

Je pourrais poursuivre cette énumération. Entre autres pour prouver que cette coalition a changé le pays, qu’elle l’a fait avancer, et ce également en élargissant petit à petit et en permanence le périmètre de l’équité. Je ne vais pas tout énumérer. Cependant, nous avons l’intention de poursuivre cette politique pour construire une société plus équitable.

Cette recherche d’une plus grande équité, d’une plus grande justice, d’une meilleure optimisation des chances est le fil noir et rouge de notre politique passée, actuelle et future. Dans le cadre de ce débat, je ne peux malheureusement pas aborder tous les segments de notre future politique. Le temps me manque pour le faire. Et du reste: les ministres n’arrêtent pas de donner des conférences de presse, ils tiennent régulièrement des discours, vous organisez des débats d’actualité sur le chômage et la compétitivité, les ministres répondent à vos questions parlementaires. Cela ne sert à rien de répéter ce qui est bien connu, ni de consacrer le discours sur l’état de la nation à des exposés préliminaires sur les sujets qui feront l’objet de débats spéciaux à la Chambre des députés. Mais quoi qu’il en soit, tous les sujets feront l’objet de discussions approfondies, aujourd’hui, demain et au cours des semaines et des mois à venir.

Souhaiter une équité plus inclusive implique aussi la recherche de plus de tendresse au sein de la société. Cette approche nous oblige à nous occuper de ceux qui ne savent plus qui ils sont ni où ils se trouvent. Les personnes atteintes de démence légère ou grave, ceux qui souffrent d’alzheimer et tous ceux qui ne s’y retrouvent plus dans leur vie ont besoin de notre sympathie et de notre soutien. Le nombre de cas de démence et d’alzeimer augmente rapidement. Nous nous attendons à ce qu’il s’élève à plus de 8.000 en 2025. Pour cette raison, le gouvernement lance un plan national de lutte contre l’alzeimer mettant l’accent sur les campagnes de prévention primaire, l’élaboration de normes nationales en matière de diagnostic et la qualité de la prise en charge. Il faut que le financement de ce plan soit assuré, et il le sera.

Le logement est également un domaine où une plus grande équité s’impose clairement. Des dizaines de milliers de logements seront construits au cours des prochaines années. Vous connaissez ces chiffres. Inutile de les répéter. Les prix des terrains et des logements sont trop élevés. Cette situation n’est pas due à une insuffisance des aides financières accordées par l’État en cas d’acquisition d’un logement. Bien au contraire, les aides accordées ont plutôt tendance à suralimenter la demande de logements. C’est pourquoi nous mettrons l’accent davantage sur l’augmentation de l’offre. Vu qu’il existe dans notre pays des milliers de logements inoccupés, nous veillerons, avec les communes, à ce que ces logements soient soumis à une taxe. Jusqu’ici, seul un petit nombre de communes ont introduit une telle taxe. Elles méritent tout notre respect, toutefois, il faut que les autres communes du pays suivent leur exemple. Des textes en ce sens existent, le Syvicol doit rendre son avis et ensuite il faudra passer à l’action. En plus, une nouvelle loi permettra d’introduire la gestion locative sociale: les communes auront ainsi la possibilité de prendre en location des logements inoccupés appartenant à des particuliers pour les donner ensuite en location à des ménages à faible revenu. Nous voulons aider les personnes à faible revenu à mieux maîtriser leurs frais énergétiques. Pour cette raison, une nouvelle loi prévoira la possibilité d’un prêt sans intérêts pour financer l’assainissement énergétique de logements plus anciens. Les gens pourront contracter un prêt hypothécaire dont le montant peut s’élever jusqu’à 50.000 euros et dont le capital et les intérêts seront garantis par l’État. En plus, l’État prend en charge les frais de conseil énergétique. Cette nouvelle mesure vient s’ajouter à celle concernant l’allocation de loyer, allocation que nous avons introduite l’année passée sous forme d’une subvention de loyer et dont le coût s’élèvera à 15 millions d’euros.

Il faut aussi renforcer la coopération entre les différents acteurs de l’enseignement.

La réforme de l’enseignement fondamental va dans le bon sens.  On  reverra la gestion des bilans – qui remplacent les anciens bulletins d’études – et, dans la mesure du nécessaire, la ministre fera des propositions modificatives. La réforme du lycée est nécessaire. Les préparatifs de cette réforme ont commencé en 2009. Des discussions intenses ont lieu avec les enseignants, les directeurs, les parents et les élèves. La ministre de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle présentera aux alentours de la Pentecôte un projet de loi y relatif. La Parlement aura alors le dernier mot. Cette réforme ne vise pas la diminution de l’effort, mais l’augmentation des chances de chacun. La vie ne va pas sans le travail et l’effort. Dès le plus jeune âge. Cependant, il faut éliminer tous les facteurs, quels qu’ils soient, susceptibles de handicaper l’enfant dès le début; cela vaut également pour les compétences que l’élève possède au début et à la fin de sa scolarité dans les différentes langues. Il n’est pas nécessaire qu’à la fin de son parcours, il possède les mêmes compétences dans toutes les langues.

Le fonctionnement du marché du travail est loin d’être équitable pour tout le monde. Trop de gens, et surtout trop de jeunes, l’observent de l’extérieur. La politique et les partenaires sociaux doivent faire en sorte qu’un nombre de gens considérablement plus important redécouvrent le marché du travail de l’intérieur. Et ce par le travail. C’est pourquoi la garantie jeunes est une mesure à laquelle nous attachons une grande importance. Chaque jeune sortant du système d’enseignement doit trouver dans un délai de quatre mois un emploi, un stage ou une formation. Nous n’avons pas l’intention de «placer» les jeunes – par acquit de conscience – dans des stages ou des occupations sans perspective. Il faut accompagner ces jeunes. Et il faut trouver et engager ceux qui les accompagneront. Ces mesures auront un coût et ce coût, il faudra le payer. Les contrats d’initiation à l’emploi et les contrats d’appui- emploi, qui font l’objet d’une évaluation permanente, sont ajustés. Les différents projets-pilotes lancés pour aider les jeunes ayant des difficultés à accéder au marché de l’emploi seront développés. La préretraite progressive sera réaménagée. Les critères d’acceptabilité des emplois seront revus. Il est d’ores et déjà évident qu’une distance excessive entre le domicile et le lieu de travail ne peut plus être acceptée comme argument pour refuser un emploi. Entre 2011 et janvier 2013, les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration ont engagé 2.450 personnes, dont seulement 327

Luxembourgeois. Il faut que tout le monde comprenne qu’un jeune Luxembourgeois non  qualifié  doit  être  prêt  à  travailler  –  ne  fût-ce  que  temporairement  –  dans l’hôtellerie ou la restauration. Travailler dans un restaurant ou un hôtel n’a rien de déshonorant. C’est une activité importante et intéressante.

Sur les six dernières années, le nombre de bénéficiaires du RMG est passé de 8.700 à 11.300. Ces chiffres prouvent que la pauvreté constitue un problème réel au Luxembourg. C’est pour cette raison que je n’aime pas qu’on se moque des bénéficiaires du RMG et qu’on les dédaigne. Toutefois, je n’aime pas non plus qu’on pense les avoir aidés suffisamment en les abandonnant à leur sort et une situation de pauvreté financée. C’est pourquoi nous avons l’intention de recourir davantage aux bénéficiaires du RMG pour effectuer des travaux d’utilité publique pour l’État ou les communes. Le travail est le meilleur remède au chômage.

Le droit du travail ne sera pas flexibilisé. Une plus grande flexibilité n’entraîne pas automatiquement la création de nouveaux emplois. Je ne veux pas que le Luxembourg suive l’exemple allemand. En Allemagne, des millions de salariés travaillent sans qu’ils puissent vivre du salaire qu’ils touchent à la fin du mois. Le gouvernement  luxembourgeois  soutient,  au  niveau  européen,  l’introduction  de salaires minimums légaux. Le niveau de ces salaires minimums ne peut pas être le même partout, c’est évident. Mais il est aussi évident que le modèle européen doit inclure le principe selon lequel chaque pays européen doit fixer un salaire minimum légal.

Le gouvernement souhaite que les partenaires sociaux fassent deux choses. Nous voulons que les arrangements européens de lutte contre le stress au travail soient mis en œuvre au Luxembourg par les partenaires sociaux. Et nous voulons que les partenaires sociaux entament des négociations pour explorer toutes les possibilités de mettre en place, en vue de créer des possibilités d’emplois supplémentaires, des modes d’organisation du temps de travail moins rigides. J’aimerais entre autres qu’on réfléchisse à la question de savoir s’il est vraiment judicieux de fermer une entreprise en été, quand les conditions météorologiques permettent de travailler sans problème, et de se faire payer en partie par l’État les périodes d’interruption du travail dues aux conditions météorologiques hivernales. Je serais content de voir les acteurs concernés discuter, dans le cadre d’un débat serein, la question du maintien ou de la suppression du congé collectif.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Le gouvernement et cette coalition ont réalisé d’importantes réformes structurelles. Dans le domaine de la politique fiscale. Dans celui de la politique familiale. Dans l’enseignement. Dans le domaine de la politique sociale: la réforme des caisses de maladie constitue en effet une étape importante et la réforme du système de pensions marque un changement fondamental, parce qu’il s’agit de la première réforme dans ce domaine qui, plutôt que d’ajuster les prestations à la hausse, prévoit les instruments nécessaires pour pouvoir, le moment venu, corriger son évolution.

Le gouvernement a l’intention de réaliser, outre la réforme du lycée, une autre réforme structurelle. Cette dernière concerne la fonction publique. Cette réforme structurelle entraînera beaucoup de changements, parfois fondamentaux. Elle ne conduira pas à une augmentation à moyen terme de la masse salariale de l’État, au contraire.

Si l’on veut un État providence équitable, si l’on veut plus de justice sociale, si, par exemple, on veut – et nous le voulons – que le salaire social minimum soit régulièrement ajusté, il faut veiller à ce que les conditions nécessaires pour réaliser ces objectifs soient remplies. Il faut veiller à ce que l’économie fonctionne et génère les bénéfices nécessaires pour organiser une société équitable.

C’est pourquoi, nous continuons à miser sur l’expertise de la place financière en l’aidant à élargir, à affiner et, surtout, à promouvoir à l’étranger sa gamme de produits.

Toutefois, il ne faut pas miser sur la seule place financière. De toute façon, notre dépendance à ce secteur est déjà trop grande. Nous devons diversifier notre économie là où il existe des lacunes et la renforcer dans les domaines qui présentent un potentiel d’amélioration suffisant.

Les PME constituent d’ores et déjà un secteur fort au Luxembourg. Comptant 20.000 entreprises – dont 6.300 entreprises artisanales –, ce secteur fournit 180.000 emplois – dont 80.000 dans l’artisanat. Le nombre annuel de créations nettes d’entreprises s’élève à près de 1.000. Les PME investissent: pour les années 2009 à 2012, les investissements s’élèvent à 400 millions d’euros pour l’artisanat, à 200 millions pour le secteur du commerce et à 170 millions pour le secteur Horesca. Ces investissements ont été accompagnés financièrement par le ministère des Classes moyennes. C’est pour cette raison que nous devons continuer à soutenir massivement les PME, qui représentent l’épine dorsale de notre économie et de notre marché du travail. C’est pour la même raison que nous lancerons avant la fin de l’année le 4e plan quinquennal pour les classes moyennes. C’est encore pour cette raison que nous continuons à mettre à la disposition des PME les terrains dont elles ont besoin en vue de leur expansion. Enfin, c’est pour la même raison que nous accélérons les procédures qui concernent les PME: les délais de traitement des dossiers commodo-incommodo se sont nettement améliorés. En 2008, la durée moyenne de traitement d’un dossier commodo-incommodo de classe I était de 178 jours civils, contre 127 seulement en 2011. Ces délais seront encore améliorés l’année prochaine.

Qui dit PME ou classes moyennes dit également tourisme. Ce secteur compte en moyenne plus de 2 millions de nuitées par an. Le tourisme représente 16.500 emplois et 5,4% de notre PIB. C’est un secteur non négligeable. C’est un secteur aux potentialités multiples; cela vaut notamment pour le tourisme d’affaires et de congrès, qui représente d’ores et déjà 55% des nuitées au Luxembourg. Le 9e plan quinquennal  d’équipement  de  l’infrastructure  touristique a  été  approuvé  par  le gouvernement. Il porte sur un montant de 45 millions d’euros.

Il ne faut pas non plus sous-estimer l’agriculture.

Son importance ne se limite pas à sa contribution au produit intérieur brut. Son importance est bien plus grande. N’oublions pas que d’une certaine manière nous tous – si l’on remonte plusieurs générations en arrière – nous avons des ancêtres paysans et que ces origines ont contribué à former notre caractère national. Mais il faut surtout savoir que la contribution de l’agriculture à la conservation de la nature est un service que paysans et vignerons rendent à notre pays et qui coûterait extrêmement cher si nous devions le financer nous-mêmes. C’est pour cette raison que, dans le cadre des négociations sur les perspectives financières à moyen terme, nous nous sommes prononcés à Bruxelles en faveur du maintien de la politique agricole commune. Et c’est pour la même raison que nous présenterons avant la fin de l’année une nouvelle loi agraire.

Monsieur le Président,

Il est nécessaire que nous ne misions pas sur la seule place financière et que nous continuions à diversifier notre économie.

C’est ce que nous faisons.

Nous continuons à développer le secteur de la logistique. Nous n’y parviendrons pas sans Cargolux. Il faut cependant que Cargolux s’adapte à plus d’un égard à la nouvelle situation sur le marché du fret aérien. Nous construisons à Bettembourg- Dudelange une plateforme logistique multimodale représentant un investissement de 250 millions d’euros. À Findel, le Luxembourg Freeport bénéficie d’un investissement de 50 millions d’euros. Le ministre de l’Économie a présenté des projets que nous voulons mettre en œuvre avec les entreprises publiques et celles où l’État est un gros actionnaire, voire l’actionnaire principal. Elles réaliseront des investissements supérieurs à 2 milliards d’euros au cours des années 2013 à 2018. Ces mesures du gouvernement illustrent le rôle actif, orienté vers l’avenir, que joue l’État dans les entreprises dont il est le propriétaire ou l’actionnaire principal. Le Luxembourg Future Fund commence ses activités. Les secteurs sur lesquels il se concentrera s’appellent ICT, Cleantec, etc. Le secteur des sciences de la santé et de la vie bénéficie du soutien d’un fonds spécial de 25 millions d’euros.

La cybersécurité, l’internet ultra-rapide, l’interconnexion des autoroutes de l’information, l’accélération de la vitesse de circulation des données, les centres de données et l’informatique en nuage sont d’autres axes autour desquels nous faisons s’articuler le développement économique de notre pays.

Je voudrais souligner tout particulièrement l’importance de l’industrie. Toutes les entreprises industrielles ne se caractérisent pas par une compétitivité maximale. Mais, d’une manière générale, notre industrie n’est pas si mal positionnée si l’on compare les salaires horaires et les charges sociales accessoires à ceux des autres pays et de nos voisins directs. Si je souligne tout particulièrement l’importance de l’industrie, c’est parce que j’ai parfois l’impression que les Luxembourgeois ne l’aiment pas. Or, ils commettent une erreur fondamentale, car l’industrie joue un rôle non négligeable dans la chaîne de valeur globale. C’est pourquoi je plaide en faveur de l’adoption, dans notre pays, d’une attitude plus favorable à l’industrie.

D’une manière plus générale, il faut que nous conservions les atouts que nous avons ou, plutôt, qui nous restent.

En comparaison internationale, les impôts sur les entreprises sont moyennement élevés ou moyennement bas au Luxembourg – à vous de choisir la formulation que vous préférez. Je parle non seulement des taux d’imposition nominaux, mais aussi des taux d’imposition réels. Il ne faut pas les modifier de manière arbitraire  en fonction de la situation de trésorerie. L’industrie, les banques et, d’une manière générale, tous les investisseurs internationaux doivent pouvoir compter sur la prévisibilité des impôts. Nous ne pouvons pas ajuster les impôts sur les entreprises à la hausse et nous ne le ferons pas.

Chez nous, l’impôt sur les personnes physiques est inférieur à celui des autres pays. Je sais que lorsque les recettes de l’État sont insuffisantes, beaucoup pensent qu’il suffit de relever le taux d’imposition maximal pour renflouer les caisses. Nous avons relevé le taux d’imposition maximal au cours de cette législature. D’accord. Mais il faut savoir que nous avons un besoin vital de voir nos banques, nos organismes de recherche et nos entreprises industrielles recruter les meilleurs spécialistes. Chez nous, la croissance – pourvu qu’elle fasse toujours partie de nos objectifs – ne pourra être obtenue que dans des domaines liés aux activités haut de gamme, aux technologies de pointe, aux pôles de qualité. D’où la nécessité de recruter les meilleurs. Ils viennent de l’étranger et ils ne s’établissent au Luxembourg que s’ils y paient moins d’impôts qu’ailleurs. C’est pour cette raison, que le relèvement du taux d’imposition maximal se heurte à des limites.

Nous avons ou, pour être plus précis, nous pourrions avoir un autre atout, à savoir l’environnement procédural à l’intérieur duquel les acteurs économiques peuvent et doivent étudier leurs plans, décider des investissements et réaliser leurs projets.

Notre pays se caractérisait toujours par la simplicité de ses procédures et la rapidité de ses processus décisionnels. Il faut que nous renouions avec cette tradition. Pour y arriver, il n’est pas nécessaire de recourir à l’aide d’autrui. C’est uniquement à nous- même que nous devons faire appel. Plus d’une fois, c’est nous-mêmes qui faisons obstacle à nos projets. Parce que nous ne sommes pas capables de surmonter le conflit entre environnement, nature et économie. Ou parce que nous ne parvenons pas à dépasser nos propres a priori: il existe des conflits de compétences entre autorités communales et étatiques, ministres, ministères et administrations veulent conserver leurs prérogatives et, sans tenir compte des dommages causés à l’économie, ils s’accrochent à une vérité qui ne supporte aucune opposition ni aucun compromis.

En matière de simplification administrative, nous avons réalisé au cours des dernières années – grâce au travail accompli par Mme Modert – d’importants progrès. Mais c’est là un autre débat.

Au niveau de l’accélération des procédures d’autorisation, les progrès ont été moins importants.

L’année passée, j’avais envisagé dans cette enceinte une table ronde consacrée à ce sujet. Cette table ronde – comme vous le faites remarquer à juste titre, je dois l’avouer – n’a pas eu lieu. Elle n’a pas eu lieu parce que – malgré les textes consensuels qui sont produits – il existe souvent des divergences d’opinion entre les différents acteurs. En plus, elle n’a pas eu lieu, parce que les autorités étatiques et communales ne parlent pas non plus d’une seule voix.

Nous – c’est-à-dire mes collaborateurs au ministère d’État et moi-même – avons eu beaucoup d’entretiens – j’en ai eu moins qu’eux – avec l’UEL, l’Ordre des architectes et des ingénieurs-conseils et les collègues du Syvicol. Nous poursuivrons ces entretiens, qui seront conclus dans un proche avenir; nous devrons ensuite nous réunir tous pour arrêter des conclusions et des décisions.

Cependant, un certain nombre de décisions ont d’ores et déjà été prises.

-   Avant la fin du mois, le Conseil de gouvernement mettra en place une cellule de facilitation. C’est à ce service que pourront s’adresser les initiateurs de projets lorsque les délais ne sont pas respectés, lorsque différentes administrations ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un dossier, lorsque les administrations décident des règlements incompatibles, bref, lorsqu’on n’avance pas. Plutôt que d’engager une action en justice pour avancer ou pour attaquer une décision jugée arbitraire, les entreprises peuvent s’adresser à cette cellule, qui s’occupera alors de l’affaire.

-   Les  investisseurs  doivent  disposer  de  meilleures  informations  préalables.  À l’avenir, l’investisseur trouvera sur guichet.lu des informations précises concernant les autorisations nécessaires. En plus, il peut consulter les plans cadastraux sur geoportail.lu pour savoir si la parcelle dont il a besoin se situe à l’intérieur du périmètre de construction et pour s’informer sur les types de constructions autorisés, les zones de protection, les sources, les biotopes et les risques d’inondation.

On définit un calendrier, c’est-à-dire un délai pour chaque procédure. Pour certains dossiers, le ministre de l’Environnement n’intervient plus qu’une fois, à savoir au début – lorsque, dans le cadre d’un nouveau PAG, un terrain situé en zone verte passe dans le périmètre de construction –, la seconde intervention, prévue en cas de construction sur la parcelle concernée, étant supprimée.

-   La sécurité juridique fait également partie des grands dossiers. Nous pouvons fixer – dans le cadre de la procédure commodo-incommodo par exemple – des normes précises et définitives. D’un autre côté, nous pouvons aussi, en proposant des normes moins précises, permettre une plus grande flexibilité, c’est-à-dire des entretiens entre l’investisseur et l’administration. C’est là une question qui reste à régler, parce que les points de vue divergent sur ce point.

-   Pour le gouvernement, il est d’ores et déjà clair qu’il faut veiller à ce que, dans les dossiers plus complexes, la commission d’aménagement du ministère de l’Intérieur doive se concerter avec les communes avant de rendre son avis, lequel ne doit pas non plus être contraire à la politique gouvernementale en matière de logement par exemple. De même, il faut que l’Administration de la gestion de l’eau se concerte avec les communes.

-   La tutelle du ministre de l’Intérieur sur les communes sera assouplie. La tutelle sur les communes sera réformée. Aujourd’hui, la règle veut que le ministre de l’Intérieur approuve la quasi-totalité des décisions communales. Demain, au lieu de devoir les approuver, il en sera uniquement informé. Il disposera alors d’un bref délai pour réagir et si, une fois ce délai passé, il n’aura pas réagi, la décision prise par la commune entrera en vigueur. Le silence vaut accord. Seul un petit nombre de décisions importantes – impôts, PAG, PAP – devront être approuvées.

-   Les commissariats de district seront supprimés pour être réunis au sein d’une structure administrative du ministère de l’Intérieur. Cette mesure facilitera la tutelle. De même, elle permettra de gagner du temps.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Ce discours était moins long que les dix-huit déclarations qui l’ont précédé. Vous m’avez en effet toujours reproché de tenir des discours trop longs.

Le chapitre le plus long de cette déclaration était consacré aux finances publiques. Vous avouerez qu’il était nécessaire de vous montrer et de montrer aux gens que, bien que nous ne maîtrisions les finances publiques pas complètement, nous n’en avons pas perdu le contrôle. Nous devons réaliser des économies et faire des efforts de consolidation, toutefois, il faut le faire à un rythme qui tienne compte de la conjoncture et ne l’étouffe pas.

Quelle que soit la longueur de cette déclaration, elle suscite toujours le même type de réaction. Les partis de la majorité la considèrent, à quelques nuances près, comme plutôt pertinente et réussie, l’opposition la considère par principe comme ratée et à côté de la plaque. Soit!

Cette déclaration était plus courte que par le passé, plus concentrée, se focalisant davantage sur certains points. Bien des choses resteraient à dire. Choses dont je parlerai au cours des mois à venir. Je me suis dégagé d’une mission européenne difficile. J’ai maintenant plus de temps. Je n’ai pas plus de temps pour m’occuper de la politique et des problèmes nationaux. Car je n’ai jamais arrêté de m’en occuper à l’époque où j’exerçais cette fonction européenne. Toutefois, j’ai désormais plus de temps pour expliquer, pour argumenter, pour plaider. C’est d’ailleurs ce que je ferai. Avec le même enthousiasme que le jour où j’ai pris mes fonctions. Je le ferai avec ceux avec qui je gouverne avec plaisir.

Je vous remercie.

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