"Le président du Conseil européen doit être le premier serviteur de l'UE", Jean-Claude Juncker au sujet du sommet européen d'octobre, sur le traité de Lisbonne, la crise économique et le futur poste dans I'UE.

Europolitique: Le Conseil européen trouvera-t-il moyen de sortie de l'impasse tchèque concernant les décrets Benes ?

Jean-Claude Juncker: C'est à la présidence suédoise de trouver un compromis. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un gros dossier - les Allemands ne donnent pas l'impression qu'il causera un énorme débat interne en Allemagne - mais je pense bien que I'UE pourra satisfaire la République tchèque sur ce point. Et ayant satisfait la République tchèque en ce qui concerne ces points, le président tchèque n'a d'autre possibilité que de signer le traité.

Europolitique: Qui soutenez-vous comme premier président permanent du Conseil ?

Jean-Claude Juncker: Je soutiendrais celui qui milite nettement pour la méthode communautaure et quelqu'un qui a prouvé, dans son autobiographie, qu'il est clairement pour l'intégration européenne, sans clairement être en faveur d'une sorte d'Etats-Unis d'Europe. Je ne crois pas en ce concept d'Etats-Unis d'Europe. Il doit être un médiateur de compromis européens LUE sera forte pour ce qui est de ses relations avec le monde extérieur si l'Union est très cohérente au niveau intérieur.

Europolitique: Tony Blair répond-il à cette description ?

Jean-Claude Juncker: La question n'a aucun rapport avec Tony Blair. Le président du Conseil européen doit être le premier serviteur de I'UE et c'est la seule considération qui doit compter pour lui. L'euro vient de passer la barre de 1,50 dollar. Faut-il s'en inquiéter ? Nous étions déjà à un taux de 1,60 dollars il y a une année et demi. Moi je ne suis pas particulièrement inquiet du taux de change actuel, mais j'ai dis aux Américains et aux Japonais, et je le redirai, que si la tendance à la hausse de l'euro continue, cette surévaluation de l'euro va mettre à mal l'industrie exportatrice de la zone euro. Je reverrai surtout les autorités politiques et monétaires chinoises, avec M. Trichet et le commissaire Almunia, pour leur dire qu'elles doivent changer d'attitude.

Europolitique: Avec ses propositions de supervision financière, la Commission prend-elle la bonne direction ?

Jean-Claude Juncker: Je suis fondamentalement d'avis que les propositions de Commission vont dans la bonne direction. J'ai des problèmes mineurs avec le Conseil du risque systémique : je ne voudrais pas que ce Conseil émette des recommandations à des Etats membres publiquement, avant que nous ayons pu discuter de ces problèmes entre ministres des Finances de la zone euro. Je ne voudrais pas que des technocrates, éloignés des choses de la vie quotidienne, se prononcent de manière confidentielle - c'est-à-dire publiquement parce que tout cela deviendra publique - et que certains pays membres de la zone euro rencontrent des problèmes énormes et insurmontables suite à ces recommandations.

Europolitique: Les primes des banquiers sont-elles la menace principale, ou faut-il voir plus large ?

Jean-Claude Juncker: Ce ne sont pas les choses les plus importantes, tout comme le débat sur les soi-disant paradis fiscaux n'est pas le plus important. Il s'agit d'un problème de perception par l'opinion publique. Si quelqu'un qui a mal fait son travail reçoit un golden handshake' de 50 ou 60 millions d'euros, je suis scandalisé. Celui qui gagne 1500 euros par mois et qui contribue comme citoyen de son pays, directement ou indirectement, au sauvetage des établissements bancaires de son pays : voilà un comportement immoral, qui fragilise la cohésion sociale de notre société et qui met à mal le sens élémentaire de l'équilibre des revenus qui doit exister dans une économie de marché. C'est une question morale.

Europolitique: A quel point sera-t-il difficile de coordonner la sortie de crise ?

Jean-Claude Juncker: Il est évident que nous devons nous mettre d'accord sur une stratégie de sortie au niveau de l'Eurogroupe. Cela ne veut pas dire qu'au même moment tous les pays doivent abandonner les paquets de relance. Il ne faudrait pas que nous trompions sur le moment. Donc il ne faut pas commencer à assainir les dépenses budgétaires, notamment au niveau des stabilisateurs automatique, avant que nous ne soyons sûrs que la crise soit arrivée à son point final.

Europolitique: Pourrons-nous bientôt nous engager a une sortie en 2011 ?

Jean-Claude Juncker: Le 3 novembre nous aurons des indications supplémentaires (les prévisions de la Commission, ndlr). Il nous reste toute une année pour observer l'évolution des choses, et d'ici à l'automne 2010 nous devrions avoir la certitude que le pire est derrière nous et que nous commençons à respirer ( ). Comme la crise n'est pas arrivée au même moment dans tous pays de l'eurozone, elle ne s'éloignera pas de tous les pays de la zone au même moment. Et donc il faudra que nous ayons une attitude stricte (sur l'application de la stratégie de sortie, ndlr).

Europolitique: L'affaire du secret bancaire a-t-elle envenimé les relations avec vos Etats membres voisins ?

Jean-Claude Juncker: Pas vraiment parce qu'en tant que personne et en tant que ministre des Finances j'ai toujours été en faveur de l'échange d'informations à la demande. On m'a promis au Conseil européen de mars qu'aucun pays de I'UE ne figurerait sur cette liste grise ou noire (de I'OCDE). Ceux qui ont représenté I'UE au niveau du G2O n'ont pas respecté la promesse qu'ils m'avaient faite.

Je ne critique pas le fait que tous les pays doivent bien se comporter et appliquer un système d'échange d'informations à la demande. Mais je rejette l'idée que maintenant, après avoir adopté cette position, nous soyons désormais contraints de procéder à un échange automatique d'informations. Si cela doit aboutir à un système où le Luxembourg, l'Autriche et, dans une certaine mesure, la Belgique seraient obligés d'adopter un système d'échange automatique d'informations, alors que les Suisses et d'autres, comme le Liechtenstein et Andorre, seraient autorisés à s'en tenir à un système d'échange d'informations à la demande, nous ne pourrions suivre cette voie.

Europolitique: Comment êtes-vous entré en politique ?

Jean-Claude Juncker: Il y a de nombreuses explications. Je suis devenue un homme politique parce que je n'aimais pas l'injustice sociale, (...) J'ai était très fortement inspiré par l'accent syndical de mon père. J'ai toujours pensé que les gens simples n'étaient pas les gens ordinaires.

Europolitique: Si vous pouviez changer de job, que feriez-vous ?

Jean-Claude Juncker: Journaliste. J'au toujours voulu devenir journaliste. Demain, si je ne suis plus en fonction, je serai sans doute une espèce de journaliste, de commentateur public, de descripteur des choses et de l'essentiel.

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