Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, au sujet de son entrevue avec Avigdor Lieberman

Le Quotidien: Avigdor Lieberman est-il aussi rigide qu'on le dit?

Jean Asselborn: C'est un homme très gentil, extrêmement gentil, mais qui a des idées qui ne sont évidemment pas les miennes. Il est l'un des ténors d'une politique trop nationaliste en Israël. Il n'est pas un problème que d'un point de vue américain ou européen, il l'est aussi dans le gouvernement israélien.

Le Quotidien: L'avez-vous quand même senti ouvert au dialogue?

Jean Asselborn: Je l'ai rencontré le jour où il a proposé que la Palestine soit séparée en deux parties pour négocier avec le Fatah pour la Cisjordanie et le Hamas pour la bande de Gaza. Ce n'est pas acceptable. Il n'est d'ailleurs pas soutenu par son gouvernement. En revanche, et ça m'a un peu étonné, il a été nettement plus positif sur la question d'ouvrir la bande de Gaza (NDLR: soumise au blocus israélien depuis juin 2006). Il m'a dit: "On aurait dû le faire il y a déjà quelque temps." Il n'a pas nié que l'incident qui a coûté la vie à neuf personnes avait accéléré les choses, mais c'est une importante nouveauté.

Le Quotidien: Vous n'avez pas pour habitude de mâcher vos mots quand vous évoquez Israël. Quelle a été la nature de votre dialogue avec Lieberman?

Jean Asselborn: C'est lui qui a demandé cette entrevue. Je suis un ami d'Israël. Israël a le droit de vivre en paix, comme la Palestine et tout autre État sur la planète. Mais si Israël campe sur ses positions, surtout au niveau des colonies, on n'arrivera jamais à négocier une paix.

Le Quotidien: Aucune tension entre vous donc?

Jean Asselborn: Non. Je connais ses positions, il connaît les miennes. Dans les entrevues bilatérales, on cherche avant tout les points de convergence; là où on peut faire avancer les choses.

Le Quotidien: Il y a des tensions dans le gouvernement israélien. Avez-vous senti Lieberman parler en son propre nom ou en celui du gouvernement?

Jean Asselborn: Concernant les négociations avec le Hamas pour la bande de Gaza, il m'a clairement dit: "C'est ma proposition." Aujourd'hui, ce qui intéresse les Européens, c'est de reprendre des négociations directes. Les négociations indirectes, on échange des papiers, ça ne sert à rien.

Le Quotidien: Selon vous, la reprise des pourparlers directs avec les Palestiniens est-elle possible tant que Lieberman et son parti d'extrême droite Israël Beiteinou sont au gouvernement?

Jean Asselborn: En Israël, beaucoup de choses ont été possibles. La coalition, quelle qu'elle soit, doit trouver une issue. D'autant plus si celle-ci est clairement définie par les Américains et qu'elle reste stricte au sujet de la colonisation.

Le Quotidien: Dialoguer avec des extrémistes, n'est-ce pas leur donner trop de résonnance?

Jean Asselborn: C'est une question qu'il faut se poser à chaque fois. Mais Monsieur Lieberman est isolé dans le monde arabe. Aucun ministre arabe n'a, malheureusement, de contacts avec lui. Nous, Européens, avons avec lui une relation de travail, uniquement de travail. Avec les ministres précédents, Tzipi Livni surtout, nous avions des relations amicales. En 2005, pendant notre présidence (NDLR: luxembourgeoise de I'UE), je me souviens être allé avec Sylvain Shalom voir le Grand-Duc avec les ministres arabes. Il y avait des contacts personnels. Ce n'est pas possible avec Monsieur Lieberman. J'ai aussi vu Monsieur Mottaki (NDLR: le ministre iranien des Affaires étrangères) à Luxembourg.

Le Quotidien: Sentez-vous qu'Israël fait profil bas depuis l'épisode de l'attaque de la flottille?

Jean Asselborn: Je pense qu'Israël a eu un certain choc. Malheureusement, neuf personnes ont perdu la vie, mais ce choc a été bénéfique. Ce jour-là, il y a eu un déclic dans l'opinion publique israélienne et au sein du gouvernement israélien, qui s'est dit qu'il ne pouvait plus continuer avec la fermeture de Gaza. L'avant-dernière réunion Obama-Netanyahu avait été catastrophique. La suivante (après le 31 mai) était beaucoup plus positive. Il y a eu un changement.

Le Quotidien: Pensez-vous que vous serez toujours ministre des Affaires étrangères quand la paix sera retrouvée?

Jean Asselborn: Si demain matin je ne suis plus ministre des Affaires étrangères et que la paix est revenue au Moyen-Orient, je signe tout de suite. Sérieusement, je ne sais pas, mais je ferais tout pour encourager ceux qui le veulent.

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