Jean Asselborn au sujet des renvois de Roms effectués par la France

Nathalie Ducommun: L'affaire des renvois controversés de Roms effectués par la France a donné lieu à un violent échange entre le président français, Nicolas Sarkozy, et celui de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Les chefs d'État étaient réunis aujourd'hui au sommet de l'Union européenne à Bruxelles. Les dirigeants européens, qui ont également condamné les propos de la commissaire à la Justice luxembourgeoise Viviane Reding, qui comparait, je le rappelle, la politique française sur les Roms à la Seconde Guerre mondiale. Jean Asselborn, bonsoir.

Jean Asselborn: Bonsoir Madame.

Nathalie Ducommun: Merci de nous rejoindre. Vous êtes Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Luxembourg. Le torchon brûle entre Nicolas Sarkozy et la Commission européenne. Tout ça finalement à cause de Viviane Reding. Elle met un petit peu le Luxembourg dans l'embarras?

Jean Asselborn: Je pense qu'il ne faut pas méconnaître les règles du jeu dans l'Union européenne. Chaque pays a droit à un commissaire. Nous avons un commissaire qui s'appelle Reding. Elle est membre de la Commission, elle fait son travail, horizontalement. Elle ne reçoit pas des instructions, ni du gouvernement luxembourgeois, ni d'un autre Luxembourgeois.

Elle est là dans le domaine de ses compétences pour défendre la politique européenne. Une des compétences de la Commission, comme vous le savez, c'est vraiment de vérifier, faire une analyse et puis réagir, si c'est nécessaire pour que les traités soient respectés et l'esprit de l'Union européenne soit respecté.

Donc, ce qui s’est passé n'a rien à faire avec la nationalité du commissaire. Donc, il n’y a aucun lien entre la nationalité de Madame Reding et le Luxembourg en ce qui concerne son travail, ses compétences. C'est clair, elle ne défend pas les intérêts du Luxembourg et ne reçoit pas d'instructions du Luxembourg.

Nathalie Ducommun: Mais Nicolas Sarkozy en joue, puis qu'il a riposté en affirmant que finalement le Luxembourg n'avait qu'à accueillir les Roms si ça lui faisait plaisir. Qu'est-ce que vous, vous répondez à ce genre d'attaque?

Jean Asselborn: Si on fait un amalgame entre la nationalité d'un commissaire et puis la politique d'un pays, qui se rapporte à la nationalité du commissaire, on fait une erreur. Je l’ai déjà dit hier, que c'était un peu malsain.

Nous connaissons tous le président Sarkozy, parfois c'est un homme que peut devenir nerveux et qui, un peu dans le feu de l'action, peut peut-être aussi dire des choses qu'il ne faut pas prendre trop au sérieux.

Ce qui me fait plus mal, c'est le fait qu'en France il y a une certaine approche dans l'Union européenne qui est axée sur "les grands et les petits pays". Il y a des réactions de députés français, qui disent : "Cette commissaire, Madame Reding, elle vient d'un petit pays, elle n'a même pas la droit d'interpeller un grand pays comme la France". Si on est sur cette position-là, on méconnaît les principes et les rouages et aussi l'esprit de l'Union européenne.

Donc, il faut vraiment qu'on arrive à faire rebondir la balle et puis la garder à terre. Je pense que Madame Reding a aussi fait un excès, mais elle s'est excusée. Elle a fait ses déclarations qui se rapportent aux déportations, en ce qui concerne l'action de la France envers les Roms. Elle s'est excusée, c'est classé. Sur ce que Monsieur Sarkozy a dit, il ne faut pas, comme je l'ai dit, dramatiser. Maintenant, il faut laisser la Commission faire son travail, elle fait une analyse, si oui ou non l'action des Français, en ce qui concerne les Roms, est compatible avec le droit européen. Si oui, OK, sinon ce sont les instances judiciaires de l'Union européenne qui doivent trancher.

Nathalie Ducommun: Jean Asselbon, je vous remercie d'avoir été avec nous quelques instants. Vous êtes Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Luxembourg. Merci beaucoup.

Jean Asselborn: Merci, au revoir Madame.

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