Jean Asselborn au sujet des conséquences de la mort d'Oussama Ben Laden.

Le Quotidien: Quelle est votre réaction à l'annonce de la mort de Ben Laden?

Jean Asselborn: Quand j'ai entendu que Ben Laden avait été tué dans une opération où il y a eu une grande coopération entre le Pakistan et les Américains, je me suis dit que ce n'était pas impossible d'avoir des bases qui permettent de stabiliser la région et de combattre ce fléau du terrorisme. Mais nous savons tous que si vous attrapez mille talibans en Afghanistan, il y en a peut-être deux mille qui sortent des camps d'entraînement du Pakistan et d'lran. Ben Laden était le terroriste le plus recherché de la planète. Il était responsable de dizaines de milliers de meurtres contre les musulmans. Mais c'était aussi, pour certains, une figure d'intégration de l'islam. La lutte contre Al-Qaïda, contre Ben Laden, est aussi une lutte pour l'islam. La mort de Ben Laden est une victoire pour ceux qui prônent un islam humaniste et modéré.

Le Quotidien: Dans la lutte contre le terrorisme, la mort de Ben Laden est-elle une étape majeure ou même une victoire?

Jean Asselborn: C'est une figure de référence du terrorisme qui a maintenant disparu. Al-Qaïda, c'est comme l'hydre (NDLR: de Lerne, créature de la mythologie grecque) qui a plusieurs têtes: si vous en coupez une, il y en a deux qui repoussent. Là, on a coupé la tête de référence et c'est quelque chose de très important. Maintenant, ce n'est pas la fin du terrorisme. Al-Qaida ne sera pas stoppée d'un instant à l'autre. La lutte contre le terrorisme va continuer. Le réseau Al-Qaïda causera encore beaucoup de dégâts.

Le Quotidien: Craignez-vous des représailles, notamment en Europe?

Jean Asselborn: Les Américains sont venus nous voir ce matin, au ministère des Affaires étrangères, pour que soit accrue la protection de leur ambassade au Luxembourg et d'autres bâtiments. Nous avons transmis ce message aux autorités compétentes.

Le Quotidien: Va-t-il y avoir une vigilance accrue des services de sécurité en Europe mais aussi au Luxembourg, au Findel par exemple?

Jean Asselborn: Il y a une règle qui dit qu'en matière de sécurité, il vaut mieux ne pas trop en parler mais la garantir. C'est ce que l'on fait. Mais je pense que le Luxembourg ne sera pas le pays où Al-Qaïda prendra sa revanche. Il y a d'autres cibles. Enfin, je touche du bois.

Le Quotidien: Comment avez-vous été mis au courant du décès du chef d'AlQaïda?

Jean Asselborn: J'étais debout à 6h et j'ai vu la nouvelle sur mon iPad. Puis j'ai entendu le discours d'Obama. Je me suis alors informé et j'ai lu tout ce que je pouvais lire.

Le Quotidien: Vous n'avez été contacté par aucun canal officiel?

Jean Asselborn: Non. Et je pense que les moyens de communication vont plus vite par internet que si l'ambassade américaine m 'avait téléphoné. Une photo truquée relayée par divers médias, un corps jeté à la mer...

Le Quotidien: Plusieurs zones d'ombre planent sur cet épisode historique. Quel est votre sentiment?

Jean Asselborn: Les Américains, par le biais de l'ambassade, m'ont informé officiellement qu'il y avait des preuves ADN. Et j'ai entendu des informations selon lesquelles le corps avait été traité d'après la tradition musulmane. Après, je ne veux pas spéculer là-dessus. Je ne pense pas que le président américain aurait fait cette déclaration s'il n'était pas sûr que ce soit Ben Laden.

Le Quotidien: La présence internationale en Afghanistan, et notamment du Luxembourg, est-elle selon vous toujours justifiée?

Jean Asselborn: La mort de Ben Laden n'a rien à voir avec la présence du Luxembourg en Afghanistan. En Afghanistan, il y a un mandat des Nations unies. Je suis allé là-bas la semaine passée, et on peut se poser beaucoup de questions. Mais la vraie question est de savoir ce qu'il faut apporter à l'Afghanistan pour que le pays soit capable, en 2014 (NDLR: date prévue pour le retrait des troupes internationales), de garantir sa propre sécurité.

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